Mis à jour : samedi 22 février 2020

Entretien avec Hirokatsu Kihara :
Sa collection de documents Ghibli et son activité d’auteur

De nombreux dessins du Château dans le ciel, de Mon voisin Totoro et de Kiki, la petite sorcière sont encore conservés.

Beaucoup de documents et de celluloïds du studio Ghibli ont été conservés, n’est-ce pas ?

Au moment où, après la fin d’un film, le studio Ghibli (et les gens de Tokuma Shoten) m’ont demandé de disposer de tous les documents liés à la conception du film, j’ai milité pour la conservation de ce processus de création. Mais les studios d’animation japonais sont tous petits, et le studio Ghibli ne faisant pas exception, il manquait d’espace pour conserver les documents. Ainsi, il était d’usage de se débarrasser des documents qui ne servaient plus une fois un film terminé.
Mais après avoir fortement insisté auprès de mes supérieurs, messieurs Hara et Miyazaki, j’ai obtenu l’autorisation de les conserver. Ils étaient d’accord avec moi pour ne pas traiter ces documents, qui témoignent des efforts de l’équipe, comme de vulgaires détritus. J’étais dès cette époque persuadé que ces documents étaient des biens culturels précieux qui pourraient être exposés plus tard dans des musées ou utilisés pour former une nouvelle génération d’animateurs.
Je savais que, si l’on réfléchit d’un point de vue historique, il était très difficile de restaurer ou reproduire des documents ou des reliques détruits. Je savais également que la valeur d’un objet n’était pas ancrée dans le marbre et évoluait avec le temps. Ce sont souvent les descendants qui décident de la valeur d’un objet. Tout ce que je pouvais faire, c’était croire en la valeur culturelle future de ces documents et les préserver. C’est parce que j’étais un membre du studio Ghibli de la première heure que j’ai estimé qu’il fallait préserver son histoire dès ses premiers pas.
C’est 15 ans après mon départ que Ghibli a entamé la construction de son propre musée, pour y exposer des dessins.

M. Miyazaki se souvient-t-il vous avoir confié ces documents devenus historiques ?

Je pense qu’il ne s’en souvient pas du tout. Il est toujours tourné vers l’avenir et ne se retourne jamais vers le passé. S’il s’intéressait à ce type de documents intermédiaires, il devrait en rester beaucoup plus, au vu de sa longue carrière. C’est une personne passionnée et active qui aime les jeunes. Je pense que s’il m’a donné l’autorisation de les conserver, c’est simplement parce qu’il était amusé par ma passion.

Comment faites-vous pour conserver les documents dans le meilleur état possible ? Y a-t-il une méthode concrète ?

Pas spécialement. Je me contente de les laisser dans un coffre. Pour certains, je les range dans des pochettes plastifiées. Je préfère vous le dire pour éviter tout malentendu : je ne suis pas un collectionneur. Je ne suis que le garant de la préservation de ces documents. Par conséquent, ces documents ne forment pas une collection. Ils sont les témoins de l’histoire. Je suis prêt à les transférer si le demandeur respecte ma volonté de préserver et d’utiliser ces documents (bien sûr, les candidats sont nombreux, donc il pourrait y avoir d’autres conditions). Sans cette volonté, il est impossible de préserver ces documents pour les siècles à venir afin de former les nouvelles générations de créateurs. Pour l’instant, je n’ai fait que sauver ces documents de la destruction pour les conserver pendant ces trente dernières années.

Une affiche destinée aux employés du studio dessinée par M. Miyazaki pour annoncer la fête de fin d’année de 1988. Il y est écrit que Hirokatsu Kihara est le responsable de la fête. Le nom du directeur artistique, Kazuo Oga, y a été ajouté pour faire une blague.

Parlez-nous un peu de votre travail.

Je pense pouvoir dire que je suis un auteur d’histoires de fantômes. Aujourd’hui toutefois, je suis invité à de nombreuses conférences à l’étranger pour parler du studio Ghibli. J’ai d’ailleurs participé une fois à la Japan Expo en France. Si je suis invité et que mon emploi du temps le permet, je peux me rendre n’importe où dans le monde.

D’où vous vient cette passion pour les histoires de fantômes ?

Depuis l’âge de dix ans, j’ai toujours été intéressé par ce qui touche au mystère. Depuis, j’ai rassemblé différents récits qui m’ont été racontés par des gens qui avaient vécus des expériences étranges, et en 1990, on m’a tout à coup conseillé d’écrire un livre à ce sujet. J’aime les histoires de fantômes à la fois étranges et effrayantes et qui sont remplies de mystères. Notre monde abonde de mystères. Je pense que c’est parce qu’il y a beaucoup de gens qui pensent la même chose qu’il y a autant de films, de séries télévisées ou de livres.

Avez-vous déjà vu un fantôme ?

Oui. Je suis convaincu que ces « présences disposant d’une volonté propre mais qui sont invisibles à l’œil » et qu’on appelle fantômes existent. J’en ai vu un lors d’une nuit dans un hôtel à Caen. Et aussi dans un hôtel au mont Saint-Michel. J’ai ressenti la présence de plusieurs personnes pendant la nuit. Si j’avais été une personne plus sensible à leur présence, je les aurais sans doute vus. Les histoires de fantômes sont vraiment fascinantes.