Festival Nouvelles images du Japon (2001)
Entre le 11 et le 23 décembre 2001, s'est déroulée au Forum des images (Paris) la deuxième édition du festival Nouvelles images du Japon, avec notamment une retrospective -inédite en France- des oeuvres du studio Ghibli et une avant-première du Voyage de Chihiro en présence de Hayao Miyazaki.
Nous vous proposons un petit compte-rendu de ce que nous avons pu voir et vivre durant ces 9 jours de projections exceptionnels. Pour éviter de se disperser, nous n'évoquerons que les oeuvres ayant un rapport avec Miyazaki, Takahata, Kondô ou bien sûr Otsuka. Nous n'oublions pas néanmoins le bonheur d'avoir découvert des oeuvres comme Junkers come here, Arete Hime ou encore Metropolis.
Si l'organisation a parfois semblé être dépassée par l'évènement et l'engouement du public, force est de reconnaître le travail gigantesque et passionné des organisateurs. En plus de l'extraordinaire programme et des invités prestigieux, s'est également déroulé une masterclass animée par Otsuka ainsi qu'une exposition de travaux d'animation (cellulos, décors, modelsheets,...) dont une grande partie provenant du studio Ghibli :
Enfin ce festival aura permis à un grand nombre de fans internautes de se rencontrer. C'est ainsi avec une certaine émotion que Vincent, Xavier et Salladin, les trois buta-webmasters de l'époque se sont vus pour la première fois (si !).
Compte-rendu
Mardi 11 décembre : Préventes des billets
Vers 9h, les premiers fans sont arrivés au Forum des Images et ont commencé à faire la queue. En discutant avec certains, on s'aperçoit rapidement que la plupart venaient en particulier pour voir les oeuvres du Studio Ghibli alors inédites en France. Une très bonne ambiance s'est installée dans la file d'attente. Les discutions entre fans rendaient l'attente plus supportable puisqu'il était interdit de s'asseoir.
Vers 13h, les portes du forum des images s'ouvrent enfin! On sent quand même une certaine tension s'installer dans la foule. Celle-ci a énormément grossi à partir de 10h30, on frôle le millier de personnes (alors que l'auditorium a une capacité de 500 places!). Les premiers sortis les billets en main n'arrivaient pas à croire en leur chance. Devant l'affluence, les places ont été successivement limitées à 4 places par personne et par séance, puis à 2.
Vers 13h30 les derniers de la file d'attente se retrouvent jusqu'au pied de l'escalator de l'UGC !!! Les caisses au rez-de-chaussée sont en plus d'une lenteur exaspérante. Les plus malins auront compris qu'il fallait faire la queue aux caisses de l'auditorium : la file d'attente ne faisait qu'une vingtaine de mètres !!
Vers 19h des personnes alimentaient encore les files d'attente. Depuis un moment déjà les places pour le Voyage de Chihiro destinées à la prévente ont toutes été vendues. Les gens se consolent en achetant les dernières places pour Le château dans le ciel, Nausicaä, Si tu tends l'oreille, Pompoko et Kiki la petite sorcière, tous inédits en France.
Samedi 15 décembre
14h30 salle 300 : Porco Rosso (d'Hayao Miyazaki)
Premier Ghibli sorti en France et premier Ghibli projeté à l'occasion du festival ! Justement, certains sont venus le voir car ils avaient raté sa sortie au cinéma en France. Le film a été très apprécié des spectateurs (applaudissement nourris en fin de séance) malgré la mauvaise qualité de la pellicule et quelques fins de scènes coupées très probablement à cause de la bande trop abîmée. La bande son était, quant à elle, de meilleure facture.
La salle 300 pour la projection de Porco Rosso
17h30 salle 300 : Conan le fils du futur (d'Hayao Miyazaki)
Cette projection était l'occasion de découvrir sur grand écran la première série réalisée par Miyazaki et de se décider à acheter les DVD. Notons l'effort d'IDP pour son nouveau doublage.
20h30 Auditorium : Nausicaä de la vallée du vent (d'Hayao Miyazaki)
Le public qui composait la salle était très éclectique dans le sens où certains n'avaient jamais vu cette oeuvre magistrale et d'autres étaient des fans inconditionnels de notre jeune héroïne. La séance était précédée de l'intervention de Jean-Christophe Perrier et de M. Nguyen qui ont brièvement présenté le film. Nous ne saurions dire si l'émotion de ces derniers était due au sujet de leur présentation ou à leur impressionnant auditoire ! L'ambiance dans la salle était très solennelle. Le film était sous-titré en anglais et en français ce qui a sûrement dû gêner certaines personnes. L'image et la bande son, sans être exceptionnelle, étaient de bonne qualité. Le film a été vivement applaudi en fin de séance. Cette projection a été un des premiers grands moments de ce festival.
Dimanche 16 décembre
14h30 salle 300 : Sherlock Holmes (d'Hayao Miyazaki)
Cette projection était l'occasion de découvrir sur grand écran une série sur laquelle Miyazaki a participé et a laissé son empreinte. Les épisodes diffusés ont été réalisés par Miyazaki lui-même.
16h30 Auditorium : Chie la petite peste (d'Isao Takahata)
La projection a été précédée par une intervention de M. Otsuka accompagné de M. Nguyen pour la traduction.
Ilan Nguyen et Yasuo Otsuka
M. Otsuka nous a présenté le film en évoquant les origines de l'adaptation, son grand succès à Osaka, et son succès plus mitigé dans le reste du japon. Ce film est une des meilleures surprises de ce festival, d'autant qu'il s'agit certainement du film le plus méconnu en France. Cette comédie de moeurs délirante unit humour et tendresse avec une habileté rare. Il est dommage que nous avons pu noter quelques problèmes lors de la projection : sous-titrage désynchronisé par rapport aux images pendant plusieurs minutes et coupure de la projection en pleine séance. De plus, l'image souffrait d'un certain flou par endroit et la bande son saturait par moment de manière assez désagréable. Mais le public a tellement été charmé par ce film que l'on ne l'a pas entendu se plaindre! Le film a été très applaudi en fin de séance. M. Otsuka est revenu par la suite répondre aux questions des spectateurs.
21h Salle 300 : Pompoko (d'Isao Takahata)
Ce film était très attendu par la communauté des fans car il était quasiment inédit en France. Contrairement à Porco Rosso, la qualité de la copie était excellente: un régal pour les yeux! De plus il bénéficiait d'un sous-titrage français de qualité. Pour ce qui est du film lui-même, il s'agit d'une oeuvre d'un grand cynisme et d'une profonde amertume malgré des apparences souvent comiques et légères. En traitant du thème de l'urbanisation, Takahata signe un film magnifique, riche et singulier qui n'a laissé aucun spectateur de marbre. La projection a été suivie d'une intervention de Ilan Nguyen qui a répondu aux questions de l'auditoire et en a profité pour dresser une comparaison entre les styles de Miyazaki et de Takahata.
Lundi 17 décembre
15h Auditorium : Kiki, la petite sorcière (d'Hayao Miyazaki)
Nous avons appris que, contrairement à ce qu'il été écrit sur le programme du Festival, il ne s'agit pas de l'oeuvre originale mais de la version américaine ! Les organisateurs nous ont avoué qu'ils ont eux-mêmes eu cette mauvaise surprise en recevant la copie de Grande-Bretagne quelques jours avant la projection.
Disons-le tout de suite, les puristes qui ont découvert et aimé Kiki dans sa version originale ne pouvaient être qu'horrifiés par le massacre : les chansons des génériques ont été remplacées, de la musique a été rajoutée partout où il n'en y avait pas. Ensuite, les voix des personnages en particulier ceux de Kiki et Jiji ne sont pas bien adaptées aux personnages. Jiji a été transformé en un saoulant side-kick disneyen en parlant quasiment deux fois plus que dans la version originale. Et enfin et pire que tout Jiji retrouve la parole à la fin du film. Ou comment dénaturer la fin d'une oeuvre avec une réplique bête et inutile…
Malgré tout cela, la magie de Miyazaki opère puisque les personnes qui ont découvert Kiki à l'occasion de cette projection et donc n'avaient pas la Version Originale en tête ont été émerveillés !
Mardi 18 décembre
19h Salle 300 : Le tombeau des lucioles (d'Isao Takahata)
Le chef d'oeuvre de Takahata adapté de la tombe des lucioles de Nosaka Akiyuki a fait l'unanimité du public. Un visionnage du Tombeau des lucioles est toujours aussi beau et éprouvant. L'émotion était palpable à la fin de la séance et plusieurs personnes, jeunes comme âgées, étaient en larmes. Un débat a suivi la projection sur la question "le dessin animé est-ce forcément pour les enfants?".
Mercredi 19 décembre
14h30 Salle 300 : Mon voisin Totoro (d'Hayao Miyazaki)
L'organisateur semblait déçu de ne pas voir plus d'enfants dans le public qui assistait à cette projection. Le film de Miyazaki, présenté ici en version française, retrouve enfin toute sa dignité sur grand écran. Totoro est un bonheur de tous les instants et, marque de fabrique des chefs d'oeuvre, l'émotion grandit au fil des visions. Il suffit de voir l'état de béatitude dans lequel se trouvaient les spectateurs à la sortie de la salle pour s'en convaincre...
15h Auditorium : Goshu le violoncelliste (d'Isao Takahata)
C'est l'année de Goshu ! Sortie DVD, sortie en salles et présentation lors de ce festival… A noter que c'est la version française de la diffusion en salles qui a été présenté. Nous avons pu remarquer que le DVD contient un autre doublage.
17h Salle 300 : Tenguri l'enfant des steppes (d'Yasuo Otsuka)
Il s'agit la d'une des rares réalisations de Yasuo Otsuka. Bien que ce court métrage promotionnel soit inédit et très rare (même au Japon), il n'a pas fait l'unanimité auprès du public. Il faut dire que bien que l'histoire soit simple à comprendre, le film a été présenté en VO non sous-titrée. Yasuo Otsuka a pu répondre à quelques questions après la projection.
17h30 Auditorium : Le château de Cagliostro (d'Hayao Miyazaki)
Déjà sorti en DVD et en K7, Le Château de Cagliostro est une oeuvre incontournable de Miyazaki. Le festival Nouvelles images du Japon nous donnait l'occasion de revoir ce film émouvant et très drôle sur grand écran.
19h Salle 300 : Si tu tends l'oreille (de Yoshifumi Kondô)
Malgré le malentendu, il s'agissait bien d'On your Mark, et non du court-métrage La Baleine annoncé en début de séance, qui a été diffusé avant le film. Ce clip, à l'époque encore méconnu par beaucoup, a été très apprécié par le public. De plus il bénéficiait d'une image et d'un son de très bonne qualité.
Présentée en VO sous-titrée anglais, Si tu tends l'oreille était très attendu par les fans, puisque inédite en France et oeuvre unique réalisée par Kondô, décédé en 1998. David Encinas, ancien élève de Yoshifumi Kondô au studio Ghibli, a présenté le film et le réalisateur avec une certaine émotion.
Jean-Christophe Perrier (à gauche), Otsuka et David Encinas (à droite)
Le chef d'oeuvre de Kondô a été très apprécié des spectateurs. Il s'agit même du film le plus applaudi depuis le début du festival.
Jeudi 20 décembre
19h30 Auditorium : Junkers come here
Il ne s'agissait pas d'un film du studio Ghibli mais nous avons eu la bonne surprise de revoir On your Mark avant la séance car il n'avait pas été annoncé. Le clip a bien évidement été applaudi et le film qui a suivi était superbe.
21h30 Salle 300 : Carte Blanche à Otsuka
Pendant la projection de Junkers come Here, une première Carte Blanche Otsuka a eu lieu avec, entre autres, des extraits de Panda petit panda . Voici le compte-rendu de la deuxième séance, assez différente dans la sélection des extraits projetés. A noter que pour les deux séances, toutes les places avaient été vendues.
Nous avons pu assister en premier lieu à la projection de Tenguri l'enfant des Steppes . Il s'agit d'une des rares oeuvres réalisées par Otsuka. En effet, celui qui ne vit que pour le mouvement animé, trouve "très ennuyeux" le travail de metteur en scène. C'est une vraie aubaine d'avoir pu assister à ce cours métrage étant donné son âge ! Pourtant les images, comme la bande son, n'avaient aucun défaut. Il s'agit d'un court métrage commandé par une grande entreprise productrice de lait. Le film était destiné à être montré au sein des usines de production. M. Otsuka nous a parlé de sa divergence d'opinion avec Tezuka, auteur de l'histoire originale, quant aux origines de la fabrication du fromage dans le monde. Il nous a dit qu'il avait confié quelques scènes à Miyazaki au chômage technique à ce moment là (rire dans la salle vu le bourreau de travail qu'est Miyazaki et ses nombreuses sollicitations à l'heure actuelle)
Un passage de Conan, le fils du futur a été diffusé. Il a été particulièrement bien choisi car il s'agissait du début hilarant de l'épisode numéro 3 ou Conan fait la connaissance de Gimsy. M. Otsuka qui était directeur de l'animation sur cette série nous a raconté qu'il travaillait avec Miyazaki jusque tard dans la nuit pour pouvoir boucler les épisodes. Il nous a aussi révélé que, de retour chez lui, Miyazaki travaillait encore quelques heures sur le story-board des scènes qu'ils allaient animer le lendemain.
Un extrait du Château de Cagliostro a été passé (le mariage du Comte et de Clarisse). Otsuka a reconnu en revoyant cet extrait qu'il n'était pas tellement satisfait de l'animation sur certaines scènes. En contre partie, il a avoué qu'il n'avait jamais rien vu d'aussi divertissant.
L'extrait qui suivait fut un passage de Kié la petite peste (la scène du duel entre Kotetsu et Antonio Junior). M Otsuka n'a rien révélé de plus que ce qu'il nous a dit avant la projection de ce long métrage.
L'avant dernier extrait était un passage hilarant du Complot du clan Fûma : la poursuite dans les bains publics. Le film fut très vite retiré des salles de projections japonaises pour un problème de droit d'exploitation. Il s'agissait donc d'une curiosité qu'il ne fallait pas manquer.
Enfin, le dernier extrait est une curiosité (hum, on a oublié le nom^^) car il s'agit du deuxième film mis en scène par Otsuka et qui mélange prise de vue réelle est animation traditionnelle.
Vendredi 21 décembre
14h Auditorium : Kié, la petite peste (d'Isao Takahata)
Voir le compte-rendu du dimanche 16 décembre, mais sans la coupure ni la désynchronisation images/sous-titres.
16h Salle 100: Sherlock Holmes (d'Hayao Miyazaki)
Voir le compte-rendu du dimanche 16 décembre.
17h Salle 300 : Projection privée du Voyage de Chihiro (d'Hayao Miyazaki)
Les chanceux qui se trouvaient au bon endroit et au bon moment se reconnaîtront ! Après la projection, Miyazaki a fait une longue conférence de presse et a reçu des décorations!
Samedi 22 décembre
14h Auditorium : Nausicaä de la vallée du vent (d'Hayao Miyazaki)
Voir le compte-rendu de la projection du samedi 15 décembre.
17h Salle 300 : Panda petit panda (d'Isao Takahata)
La projection de cet adorable film pour enfants était réservé... aux enfants ! En fait tous les billets n'ayant pas été vendus, les adultes "non accompagnés" ont été acceptés au dernier moment. Les meilleures moments de cette séance ont été les questions, plus mignonnes les unes que les autres, posées par les jeunes spectateurs à Otsuka après la projection !
17h30 Auditorium : Kiki, la petie sorcière (d'Hayao Miyazaki)
Voir le compte-rendu de la projection du lundi 17 décembre.
20h30 Auditorium : Le voyage de Chihiro (d'Hayao Miyazaki)
La salle était bondée, tout le monde s'est félicité d'avoir trouvé des places pour cette séance. M. Miyazaki est venu en personne nous présenter brièvement son dernier long métrage. Evidemment le public était comblé (il y a eu trois standing ovation !), évidement les images et la bande son étaient parfaites; et évidemment le film était de toute beauté.
Pendant la demi-heure qui a suivi la projection, le public a pu poser des questions au réalisateur qui a répondu le plus souvent succinctement. Miyazaki n'est pas une personne très bavarde, il semble !
Dimanche 23 décembre
14h30 Auditorium : Le château de Cagliostro (d'Hayao Miyazaki)
La bande était assez endommagée. Le sous-titrage était très gênant car il était en français et en anglais et le sens différait parfois. De plus ceux qui ont vu ce film précédemment en version française ont pu noter la différence entre certaines répliques qui changeaient parfois le sens de l'histoire.
17h Auditorium : Le château dans le ciel (d'Hayao Miyazaki)
Les images étaient de très bonne qualité, mais la bande son souffrait de la vieillesse du standard de l'époque (mono?). La séance a été interrompue deux fois par des coupures en cours de projection. Certains ont même cru que la bande avait brûlé. Ceux qui n'avaient jamais vu le film ont été très impressionnés et très émus. Nous avons pu remarquer l'excellente traduction réalisée par Sacha et Ilan Nguyen.
19h30 Salle 300 : Si tu tend l'oreille (de Yoshifumi Kondô)
Ce film, qui clôt en beauté le festival, a été présenté par Ilan Nguyen et David Encinas de nouveau très ému en parlant au passé de son confrère et professeur Kondô. Il nous a expliqué avec quel talent ce dernier excellait dans la représentation réaliste des comportements des personnages. Précédé d'On your Mark, ce film bénéficiait d'un très bon sous-titrage anglais. Les images et la bande son étaient de bonne qualité.
Interview de Xavier Kawa-Topor
Xavier Kawa-Topor a dirigé la programmation dédiée au jeune public du Forum des Images.. C’est, en grande partie grâce à lui que le Festival Nouvelles Images du Japon a vu le jour. Il a également participé comme directeur artistique à la production des Contes de l’Horloge magique, un programme de trois courts métrages de Ladislas Starewitch.
Mr Kawa-Topor a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à quelques questions sur l’organisation et le rôle du Forum des images, mais aussi sur sa passion pour le Studio Ghibli et l’animation japonaise.
Le Forum des Images :
Vous avez une formation de médiéviste et d’archéologue. Comment êtes-vous devenu délégué à l’action éducative au Forum des Images ? En quoi cela consiste-t-il concrètement ?
Je ne me considère pas comme un spécialiste d’une discipline particulière mais davantage comme un dilettante mu par la curiosité. J’ai effectivement fait des études d’histoire médiévale mais également de sciences économiques et de sciences politiques tout en me passionnant pour le patrimoine, le théâtre, le cinéma… J’ai eu la chance, à 25 ans, de prendre la direction du Centre Européen d’Art et de Civilisation Médiévale à Conques, site majeur de l’art roman. Là, j’ai pu notamment initier un festival de cinéma en collaboration avec la Cinémathèque de Toulouse axé sur la représentation du Moyen Age dans le 7ème art et un pôle expérimental d’éducation artistique. Ma deuxième chance a été d’être recruté par Michel Reilhac, alors directeur de la Vidéothèque de Paris (futur Forum des Images) qui a lui aussi un parcours transdisciplinaire.
Comment est venue l’idée du festival Nouvelles Images du Japon ?
Elle est venue, en 1998, d’une discussion avec Michel Reilhac. Je souhaitais mettre en place des ateliers de lecture d’image pour les adolescents en partant, pour une fois, non de la culture cinéphilique établie mais des pratiques culturelles des jeunes. J’ai présenté à Michel Reilhac deux idées : le fantastique et l’animation japonaise. Nous avons choisi la seconde voie. Ensuite, un contact téléphonique avec Yvan West-Laurence (Animeland), des rencontres opportunes avec Didier Kiner (cinéma de Fontenay-sous-Bois), Hiroshi Maeda (professeur à l’ENSAD) et enfin Ilan Nguyen ont donné du corps à ce projet. La nécessité de faire connaître l’animation japonaise au public traditionnel du cinéma est apparue comme une priorité et… un beau challenge. L’évènement est devenu un festival en décembre 1999, suite au succès surprise de la première édition
Bien que vous ayez quitté récemment le Forum des Images, savez vous s’il y aura un Festival Nouvelles Images du Japon en 2007, et si oui, sur quel thème ?
Je quitte effectivement le Forum des Images pour prendre la direction de l’abbaye royale de Fontevraud – Centre Culturel de Rencontre. Entre temps, le Forum des Images ferme pour travaux et rouvrira début 2007 avec de nouveaux projets. Il est trop tôt pour savoir sous quelle forme exacte la programmation de cinéma d’animation trouvera sa place au Forum des images.
L’aventure Nouvelles Images du Japon 2001
Avez-vous rencontrez des difficultés dans l’élaboration du projet ?
Oui, bien sûr. Monter un festival est toujours un travail exténuant mais aussi euphorisant. En 2001, nous avions placé la barre très haut en projetant une invitation à Hayao Miyazaki et une rétrospective inédite en France des films du studio Ghibli.
Comment avez-vous obtenu la venue de Miyazaki, pourtant si réticent à apparaître en public, ainsi que des copies d’œuvres alors encore inédites ?
Il serait trop long d’aborder tous les détails du travail de persuasion qu’il a fallu mener au Japon comme en France. Je crois que le facteur de réussite essentiel est la complicité nouée par le Forum des Images d’une part avec le studio Ghibli et d’autre part avec Buena Vista International. De part et d’autre, la venue de Miyazaki à Paris pour le lancement du Voyage de Chihiro est apparue comme indispensable. Le festival Nouvelles Images du Japon s’est alors imposé comme le meilleur cadre pour présenter de façon raisonnée et argumentée l’œuvre de Miyazaki et de Takahata au public et aux professionnels. La clef de la réussite a été sans conteste la précieuse connivence qui existe entre Ilan Nguyen et moi-même.
Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Oui et non. Ilan et moi nous attendions à faire l’évènement. Mais le Forum des Images, en tant qu’institution, n’était pas tout à fait préparé à une telle affluence. Et ce tout à fait légitimement puisque personne, en 2001, dans le domaine du cinéma, n’avait vraiment conscience de l’aura de Miyazaki auprès du public jeune.
Est-ce que selon vous, ce festival a joué un rôle dans le succès du Studio Ghibli en France ?
Oui, sans conteste, le festival a joué son rôle. Il a eu une répercussion énorme dans la presse et a suscité un très fort « bouche à oreille » dans la profession du cinéma et auprès des réseaux de l’enseignement. Encore aujourd’hui, la réputation du festival est vive. Nous sommes sollicités, Ilan et moi-même, partout en France et de part le monde pour des projets autour du studio Ghibli. Il faut également souligner que la première récompense remise en Occident à Miyazaki pour l’ensemble de son œuvre a été décernée en 2001 par le Ministère de la Culture et la Ville de Paris au Forum des Images.
Vous et Ghibli :
Comment avez-vous connu le Studio Ghibli ?
Le premier film que j’ai vu est Le tombeau des lucioles. Il s’est d’emblée imposé à moi comme un chef d’œuvre. Mais j’ai longtemps été l’otage de mes émotions et il n’y a que depuis très peu de temps que je peux voir ce film de façon distanciée. Ensuite Mon Voisin Totoro : une deuxième révélation. Une jubilation de spectateur. C’est en faisant le lien entre ses deux films que j’ai pris conscience de l’existence du studio Ghibli qui était pour moi alors une énigme. Comment un même studio pouvait-il produire la même année deux films d’une telle portée ? Ilan Nguyen m’a ensuite guidé dans la découverte des œuvres du studio et de son histoire. La venue de Takahata au Forum des Images en 1999 a donné une toute autre dimension encore à ma perception de Ghibli. La force et la richesse de cette personnalité ont exercé une influence déterminante sur ma motivation personnelle à approfondir ma connaissance de l’animation japonaise.
Etes-vous plutôt Miyazaki ou Takahata ?
Je ne crois pas que les deux personnalités s’opposent. Il s’agit pour moi de deux créateurs exceptionnels dont les œuvres respectives me passionnent. Ma sensibilité propre penche plus vers Takahata, sans doute aussi parce que je connais davantage l’homme et qu’il trace un sillage dans lequel chacun peu s’inscrire, à la différence peut être de Miyazaki qui, comme tout « génie » est inimitable.
Quel est votre Ghibli préféré ?
Aujourd’hui : Pompoko pour Takahata et Porco Rosso pour Miyazaki.
Interview réalisée par Ceiba et Xavier le 14/12/2005