Joe Hisaishi
Joe Hisaishi est l'homme derrière les musiques de tous les films de Hayao Miyazaki réalisés au sein studio Ghibli. Compositeur-arrangeur-auteur-interprète et musicien touche-à-tout, il est aujourd'hui au sommet de sa popularité, collectionnant un nombre impressionnant d'albums. Entre ses projets solo et ses bandes originales de films depuis plus de 20 ans, Joe Hisaishi est considéré au Japon, mais aussi au niveau mondial, comme un artiste musical d'envergure.
Joe Hisaishi est né le 6 décembre 1950, à Nagano. Il commence sa carrière comme compositeur de musique moderne alors qu'il est encore étudiant à l'université de musique de Kunitachi. A cette époque, sa musique est assez minimaliste. Ainsi, ses premières bandes, où l'emploi de synthétiseurs est systématique, ne possèdent pas le même relief qui sera le sien par la suite. Mais malgré la médiocrité de la texture musicale, le génie mélodique fait déjà la différence.
Hisaishi sort son premier disque Information en 1982. En 1984, sa première expérience cinématographique est aussi sa première collaboration avec Miyazaki à l'occasion de Kaze no Tani no Naushika (Nausicaä de la Vallée du Vent). Miyazaki lui confie la musique de l'Image Album (voir encadré plus bas) et tombe rapidement en admiration devant le travail du jeune musicien qui a tout de suite capté le tempo particulier qui anime l'œuvre du réalisateur. Bien qu'à l'origine le soundtrack devait être confié à un musicien confirmé, Miyazaki et Isao Takahata (alors producteur) ont insisté pour que Hisaishi se charge de l'intégralité de la musique du long métrage.
Par la suite, Hisaishi compose les bandes originales de Tenkû no Shiro Rapyuta (Le château dans le ciel), de Tonari no Totoro (Mon voisin Totoro), dont l'ouverture est devenue l'hymne national des maternelles japonaises, de Majo no Takkyûbin (Kiki, la petite sorcière), de Kurenai no Buta (Porco Rosso), de Mononoke-hime (Princesse Mononoke), de Sen to Chihiro no Kamikakushi (Le voyage de Chihiro), de Hauru no Ugoku Shiro (Le château ambulant), de Gake no Ue no Ponyo (Ponyo sur la falaise) et enfin de Kaze Tachinu (Le vent se lève). Avouant lui-même que chaque collaboration avec Miyazaki est une épreuve du feu, il ne manque pourtant jamais l'opportunité de collaborer de nouveau avec le réalisateur. Le travail de brassage des genres et des époques qu'il affectionne va de pair avec celui de Miyazaki. Comme lui, il possède cette faculté de créer des univers qui, sans se référer à une nationalité précise, évoquent des références du monde entier. Ainsi, malgré son aspect folklorique, les musiques de Princesse Mononoke ou du Voyage de Chihiro se révèlent parfaitement universelles grâce à la combinaison judicieuse de l'orchestration et d'instruments traditionnels. Joe Hisaishi y exprime son admiration pour le classicisme et des structures musicales inédites, directement empruntées au folklore.
Lors de l'enregistrement du Vent se lève.
Dans les films de Miyazaki, la musique est en adéquation parfaite avec l'animation. Elle s'accorde toujours aux images, soulignant la qualité dramatique et émotionnelle de nombreuses séquences. Hisaishi réussit la prouesse de composer une bande son qui puisse être écouter pour elle-même, mais qui soit si liée au film, qu'à l'écoute d'un morceau, on repense de suite au passage concerné. Contrairement à beaucoup de productions, où la musique sert à soutenir l'action et combler certains silences à l'écran, la musique des bandes originales de Miyazaki est mûrement réfléchie. Les deux hommes travaillent en étroite collaboration et discutent longuement du choix de la composition.
Dans un entretien accordé au magazine Animeland, pour son hors-série n°3, Joe Hisaishi décrit comment s'organise son travail sur un film :
« C'est toujours le même processus à chaque film. La réalisation dure deux à trois ans et elle est toujours très longue car [Miyazaki] est très pointilleux et très exigeant. Avant de me donner un vrai scénario, il me donne un genre de storyboard assez complet, il me présente les personnages et me parle un peu de l'histoire. Puis, il commence à travailler pendant que moi-même j'avance de mon côté. Il me donne aussi dix mots clés, sur lesquels je fixe mon travail.
Au bout d'un an, nous avons de quoi faire un premier CD : l'Image Album qui sort bien avant la réalisation complète de l'œuvre. Cet Image Album a deux fonctions : il me permet de concrétiser ce à quoi ressemblera la musique plus tard, mais il permet aussi à Miyazaki, qui continue à dessiner, de travailler en musique.
Ce n'est qu'une fois le film terminé, soit encore un an plus tard, que nous retravaillons ensemble. Il choisit l'endroit où l'on va utiliser chaque morceau, ceux que l'on ne va pas utiliser, et c'est là que je fais le véritable soundtrack. »
Alors qu'il avait composé exclusivement pour Hayao Miyazaki au sein du studio Ghibli, Joe Hisaishi a accepté de composer la bande originale du jeu vidéo Ni no Kuni (Ni no Kuni : La vengeance de la sorcière céleste) en 2011 et du long métrage Kaguya-hime no Monogatari (Le conte de la princesse Kaguya) en 2013, première et unique collaboration avec Isao Takahata.
La carrière d'Hisaishi ne se limite évidemment pas avec sa collaboration avec Miyazaki et le studio Ghibli, loin de là. Renommée hors du Japon grâce aux somptueuses partitions qu'il compose pour les films de Takeshi Kitano, comme Ano Natsu, Ichiban Shizukana Umi (A scene at the Sea), Kizzu Ritân (Kids Return), Sonachine (Sonatine, mélodie mortelle), Kikujirô no Natsu (L'été de Kikujiro) ou Dôruzu (Dolls), une partie de son œuvre demeure néanmoins méconnue, comme par exemple la création d'une bande originale inédite pour le film Le mécano de la « General » de Buster Keaton (2004), ou Works, des travaux plus personnels.
Si nombreux sont ceux qui ont entendu sa musique, à leur insu, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Nagano en 1998, il leur reste désormais à découvrir une discographie passionnante réservant bien des surprises.
Une discographie complète de Joe Hisaishi est disponible sur le site francophone de référence, Joehisaishi.net
Source : Animeland hors-série n° 3