Mis à jour : dimanche 22 septembre 2019

Concert Echos de la Vallée du Vent
Interview Neko Light Orchestra

C’est sur le festival Japon Touch 2014 de Lyon que nous avons pu rencontrer Nico (à droite) & Alex (à gauche) du groupe Neko Light Orchestra, alors à quelques jours du lancement de la tournée de concerts Echos de la Vallée du Vent, pour leur poser quelques questions.
Ce sont deux passionnés et fins connaisseurs du studio Ghibli et de son univers musical (mais pas que...) qui ont accepté de répondre à nos questions.

Comment vous êtes-vous connus ? Comment le groupe s’est-il formé ?

Nico : Le Neko Light Orchestra est un tout jeune groupe de 3 ans, mais qui a déjà eu beaucoup d’activités dans cet intervalle. Nous sommes originaires de Toulouse et nous nous sommes formés durant le Toulouse Game Show pour proposer une animation autour des musiques de jeux vidéo et de films. Cette animation a pris, et comme nous sommes passionnés par ces univers-là depuis toujours, au final nous avons fait d’autres salons, d’autres manifestations, pour en arriver au concert Echos de la Vallée du Vent.

Justement, pourquoi les musiques du studio Ghibli ?

Nico : personnellement, quand on me pose la question : « est-ce qu’il y a un compositeur et un réalisateur qui vous passionnent et vous inspirent ? », depuis toujours je cite systématiquement Joe Hisaishi et Hayao Miyazaki. Je pense que je ne suis pas le seul et que nous sommes pas mal dans ce cas-là dans le groupe. Nous avons été fans des films de Miyazaki depuis la première heure. Et du coup, c’était tout naturellement qu’on a eu envie de rendre hommage à notre façon au studio Ghibli.

A l’origine, à Toulouse, vous étiez donc plus orientés musiques de jeux vidéo ?

Alex : On a effectivement plutôt commencé dans l’univers du jeu vidéo et des séries animées. On a ensuite voulu passer au « niveau supérieur », pour rester dans le langage jeu vidéo, en rendant hommage à une carrière et à des compositions importantes, comme celles de Hayao Miyazaki et Joe Hisaishi, qui ont une longue carrière commune. Nico a bien senti cette volonté, il nous a amené à cet univers, et c’est vrai qu’on y a tous été sensibles.

Echos de la Vallée du Vent ne propose donc aucune composition issue des films d’Isao Takahata ?

Nico : Alors si, on a Le tombeau des lucioles, par exemple. Mais c’est vrai que le thème central du concert Echos de la Vallée du Vent sont les 10 films écrits et réalisés par Hayao Miyazaki de 1984 à 2013, de Nausicaä au Vent se lève. Avec à chaque fois un medley de 8 à 15 min pour Chihiro, par exemple, avec les plus grands thèmes réinterprétés et toutes les chansons en japonais. Après, ce sont plus des digressions autour du studio Ghibli qui nous intéressaient plus particulièrement. Notamment Arrietty, film pour lequel nous avons un medley entier, Le tombeau des lucioles, bien évidement, pour lequel nous avons un medley en piano solo de 6-7 min. Et le film Si tu tends l’oreille, avec notamment la chanson Country Road en japonais pour égayer le tout. C’est au final 13 medley pour 2 heures 30 de spectacle.

Comment se passe le travail de réarrangement d'une partition classique avec un orchestre plutôt rock ?

Nico : Nous sommes un orchestre à la fois rock et à la fois très mélodique. Pour prendre l’exemple du medley de Chihiro, vous pouvez croiser le thème Dragon Boy, qu’on a réorchestré en rock. C'est la même démarche sur le morceau 6ème station, du train sur l’eau, avec un piano, de petites nappes, et des cordes très mélodieuses. On a là tout "l’arc" du groupe en fait. On peut passer de quelque chose de très rock, à des choses très douces, où la mélodie et quelques notes de piano suffisent pour faire passer quelque chose.
Alex : le but, c’est de passer de l’enfantin, au rock, au classique, et au lyrique, avec la voix de la chanteuse.

Nous avons justement cru comprendre que certaines chansons étaient interprétées en japonais. Parlez-vous cette langue ?

Alex : Oui, tout est interprété en japonais. Norieh, la chanteuse, et moi-même, nous nous sommes mis récemment à cette langue. On débute pour l’instant, mais Norieh a vraiment travaillé le japonais avec une prof de chant, elle-même japonaise, et elle a vraiment approfondi l’aspect accent et prononciation.

Elle chante donc en phonétique ?

Alex : Cela va plus loin que ça encore. Quand on chante quelque chose, on aime savoir de quoi ça parle. Cela aide pour l’intention, pour ressentir le morceau. Norieh s’est beaucoup intéressée à ça, et elle nous a même fait des traductions en français littéral, et moins littéral, pour que ceux qui accompagnaient le chant en comprennent le sens aussi.
Nico : On est beaucoup sur la recherche du sens. On ne fait pas des choses qui n’en ont pas. Et du coup, c’est assez confondant, parce qu’elle n’a pas d’accent en général, ni en japonais, ni en anglais, et c’est assez impressionnant. On l’a fait écouter une fois à une chanteuse japonaise, et elle pensait vraiment qu’elle était japonaise. Elle sort de l’opéra, et c’est vrai qu’elle a beaucoup de techniques linguistiques. C’est un atout énorme pour le groupe.

Quelques mots peut-être à propos de l’aspect technique du concert ?

Nico : On a la chance d’avoir un ingénieur-son qui est aussi spécialisé dans le 5.1. Et du coup, pendant les concerts, le spectateur est dans la salle, devant l’écran, et on est branché sur le son cinéma en direct. Donc, on est 5.1 et parfois même en 7.1. En plus de ça, on est spatialisé en direct. Concrètement, une montée de piano peut passer autour du spectateur réellement en direct. Cette technique n’est pas encore très développée, et nous sommes contents de la proposer. Ce n’est pas juste un défi technique. Il faut déjà savoir que transformer une salle de cinéma en salle de concert, comme on l’a fait, implique qu’à n’importe quel endroit où est assis le spectateur, il a exactement le même son. Ce qui est rare. Au delà de ça, ça ajoute aussi à l’ambiance. On a déjà le confort cinéma, l’écran habillé d’images des films du studio Ghibli derrière nous et le jeu de lumière autour des instruments. Au final, on est dans un cocon, dans un concert qui peut s’écouter vraiment et qui prend le temps de le faire.

Ce qui sous-entend que vous avez, pour chaque concert, votre propre logistique qui vous permet de le faire ?

Nico : On a à notre disposition un grand bus et une énorme remorque. On installe nous-même sur scène le son, les retours sur scène, les instruments, les lumières et la projection. Le reste, c’est un câble qui est relié au son de la salle de cinéma.

Nous avons cru comprendre que Echos de la Vallée du Vent est votre seconde tournée ?

Nico : Nous avons déjà fait une première petite tournée qui peut être vue comme la première tournée de la Vallée du Vent. Elle consistait en 4 dates, en janvier, qui coïncidaient avec les avant-premières du Vent se lève en province (Toulouse, Marseille, Lyon et Bordeaux). Elle nous a permis de tester le concert, qui durait alors seulement 1 heure 40, et qui avait lieu juste avant le film. Le spectateur payait alors pour voir le film et le concert. Cela a rencontré un certain succès. Le film y était aussi peut-être pour quelque chose (rire). En tout cas, nous avons eu un bon retour des fans de Miyazaki qui étaient apparemment convaincus par nos interprétations. Depuis, on a progressé, et on a tout retravaillé, de la technique aux images, en passant par le son diffusé. Mais je ne veux pas trop en parler. Pendant le concert, certaines « voix » vont apparaître...
Alex : C’est une surprise !
Nico : Tout ca pour raconter une histoire de la manière la plus musicale possible, d’aller le plus loin possible dans l’interprétation, et faire en sorte que les musiciens puissent le vivre à fond. Cela fait maintenant un petit moment que c’est rodé, et on sait aussi qu’on va prendre énormément de plaisir à le jouer parce que ce sont des musiques qui nous portent.

Y aura t-il ensuite un disque de prévu ?

Alex : Non. Pas sur les Echos de la Vallée du Vent. Pour des raisons de droits faciles à comprendre.
Nico : Le spectacle vivant est protégé, mais pas le reste.

Justement, nous aurions aimé savoir si le studio Ghibli avait eu connaissance de votre tournée ?

Nico : C’est compliqué. Disney France a organisé avec nous les avant-premières du Vent se lève. Sur la tournée, en revanche, non. C’est vraiment ce qu’on appelle un concert non officiel. D’ailleurs, je crois que c’est le premier et le seul concert non officiel en rapport avec le studio Ghibli. Au niveau des droits, je sais qu’en France personne n’a monté de concert hommage à Miyazaki. Aux Etats-Unis non plus. En mars 2015, on va aller au Japon pour y jouer et on essaiera de les inviter. La tournée, en revanche, est vraiment un projet non officiel, produit par nos soins, et dit « toléré ». Disney a d’ailleurs été le premier à tolérer que nous utilisions des images fixes ainsi que la bande annonce de chaque film en guise d’illustration. Le deal est que tant que nous jouons dans des salles de cinéma, c’est toléré. Nous ne sommes surtout pas un concert officiel. Un concert officiel, ce serait Joe Hisahi et son orchestre.

Des retours de la part de Joe Hisaishi, peut-être alors ?

Nico : Aucun. Nous connaissons l’administrateur français d’un des sites consacrés à Joe Hisaishi, et même lui a du mal à le contacter. En revanche, Torpedo, notre tourneur, a fait jouer Joe Hisaishi quand il est venu au Zénith, en France. Mais même avec ça, il ne se connaissent pas. Il y a plein d’intermédiaires entre eux. Joe Hisaishi, c’est une star.
Et puis, les rencontrer ce n’est pas forcement ce qui nous intéresse. Tant mieux si on peut les rencontrer pour leur dire merci pour ce qu’ils ont fait. En revanche, je ne pense pas qu’eux aient à nous dire merci ni quoi que ce soit (rire). Parce que nous sommes de modestes petits français qui faisons notre musique. Non, l’intérêt est vraiment de recréer des émotions pour le public. Je pense que si Joe Hisaishi venait en France, il n’irait pas à Aix-en-Provence ou à Montpellier. Pourtant, il y a des gens là-bas qui aiment Miyazaki et qui aimeraient retrouver des émotions. Nous, c’est ce que nous essayons de fournir, même si nous ne sommes pas Joe Hisaishi. Avec nos reprises, on essaye de créer un cocon où on peut rentrer dans son univers.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre voyage prochain au Japon ?

Nico : Nous y allons surtout pour jouer dans un gros festival qui n’a rien à voir avec Echos de la Vallée du Vent. Mais c’est vrai que nous allons essayer d’organiser un Echos de la Vallée du Vent à Tôkyô. En revanche, on ne sait pas encore ni où, ni comment. On peut aussi ne pas avoir le droit de le faire. On va voir. On va le tenter. En tout cas, ce sera intéressant.

A l’avenir, souhaitez-vous continuer à explorer l’univers du studio Ghibli ou de la japanime ?

Nico : Globalement, nous sommes dans « la culture de l’imaginaire ». Actuellement, nous sommes en train de monter un concert autour du Seigneur des anneaux, hommage à la fois à Tolkien et aux musiques du film. Nous allons le jouer en décembre, pour l’avant-première du Hobbit 3. Cela sera suivi d’une tournée de 5 semaines, en février 2015. Ce projet nous intéresse tout autant. Ensuite, nous avons un album de compositions qui arrive, toujours centré sur les « cultures de l’imaginaire », puis nous serons surement amenés à travailler sur d’autres univers. Ce qui nous intéresse, c’est de rester dans ces univers de cinéma. Nous, ce qu’on on aimerait c’est faire des concerts Tim Burton, Quentin Tarantino, ou Star Wars, et en même temps composer de la B.O.. C’est ça l’objectif : être un collectif de compositeurs de musiques de films et de séries.

Pour finir, nous avions envie de simplement vous demander quel était votre Ghibli préféré ?

Nico : Moi, c’est facile. Mais vas-y Alex.
Alex : On en parlait récemment. Il y a l’objectif et le subjectif. Personnellement, je dirai que celui qui m’a le plus torturé, mais positivement, c’est Le voyage Chihiro. Et subjectivement, j’hésite entre deux. Il y a Totoro et Princesse Mononoke. Je les mettrais à égalité.
Nico : Alors moi, clairement, mon film de cœur, c’est Porco Rosso. Et objectivement, je pense que le summum de l’art de Miyazaki, c’est Chihiro, pour tout ce qu’il y a dedans. Musicalement, je pense aussi que c’est la B.O. la plus aboutie avec Mononoke. Après, j’aime beaucoup Ponyo et Le vent se lève.
Alex : Moi, je les aime tous de toute manière.
Nico : Moi aussi. Mais Porco Rosso, il a une valeur sentimentale très particulière. Vraiment, je suis très attaché à ce film. Il est plus nostalgique, avec son histoire d’amour cachée, tous ces silences, tous ces secrets. Je trouve qu’il y a quelque chose d’incroyable avec ce film, qui pourtant ne devait être rien d’autre qu’un cout métrage pour la Japan Airlines et avec lequel il a fait un film tellement sublime. Il y a les musiques aussi...
Alex : Et puis ce personnage de Marco qu’il arrive à rendre élégant sous son physique de cochon et qui évolue dans un univers tellement élégant, mais tout en finesse, en douceur. C’est très bien géré, je trouve.

Un morceau préféré chez Joe Hisaishi peut être ?

Nico : Une B.O. ou un morceau ?
Alex : Ca, ça va être dur ! (rire)
Nico : Pour tout vous dire, voici un des secrets du concert. Il y a 2 morceaux solos que Joe Hisaishi a créés pour 2 films que je trouve tellement beaux, que pour moi qui suis au piano, justement, je laisse mon piano à ce moment là pour pouvoir les écouter. Je laisse à d’autres le soin de les jouer (rire). C’est le morceau 6ème station de Chihiro, et le morceau de fin de Mononoke. Je trouve que ce sont deux pièces qui sont tellement puissantes... Mais si je devais garder une des 2, je choisirais Chihiro. Et donc, à ce moment là du concert, je suis content : j’écoute et je suis spectateur (rire). Et toi, Alex, ton morceau préféré ?
Alex : Je ne suis pas objectif, mais je reviens sur Totoro, un film qui m’a fait frissonner, avec le thème du vent qui est présent à plusieurs reprises dans le film, notamment la scène où l’arbre géant s’extrait du sol et où on entend les premières notes... (il les chante)
Nico : Oui, Totoro aussi a des musiques très puissantes. En fait, tous les films de Miyazaki ont des B.O. superbes.

Merci à vous !


Source : interview réalisée dans le cadre de la Japan Touch 2014, à Lyon, le 8 novembre 2014