Ni no Kuni : La vengeance de la sorcière céleste
Oliver, un jeune garçon de 13 ans, vit avec sa mère Allie une vie paisible à Motorville. Il ignore cependant que ses moindres faits et gestes sont épiés et qu'un être maléfique veut précipiter sa perte. Passionné par la mécanique, il décide un jour de conduire le prototype construit par un ami. Mais l'engin a été saboté et Oliver manque de se noyer. Heureusement, sa mère intervient et le sauve, mais y laisse sa vie. Oliver, terrassé par le chagrin, ne cesse de pleurer et ses larmes tombent sur une peluche offerte par sa mère. Le petit objet prend alors vie et se transforme en une petite fée masculine, Shizuku. Ce dernier explique à Oliver qu'il vient d'un autre monde (Ni no Kuni), où la magie est menacée... Shizuku promet à Oliver qu'il peut retrouver sa mère dans cet univers parallèle et lui offre un livre de sortilège. Armé d'une baguette magique et aidé par Shizuku, Oliver décide d'affronter son destin et de partir délivrer sa mère...
Au terme d'une longue attente, le jeu vidéo Ni no Kuni a enfin débarqué en Europe dans sa version PS3, nous permettant de découvrir le fruit de la collaboration entre les développeurs de Level-5 (Dragon Quest 8 et 9, Professeur Layton) et le studio Ghibli. Le résultat est à la hauteur des attentes : Ni no Kuni est un RPG enchanteur imprégné de toute la magie à laquelle nous a habitué le studio d'animation.
Production
Le rapprochement entre Level-5 et Ghibli n’était-il pas évident lorsque l’on songe à tous les points communs entre ces deux studios ? Level-5, à l’instar de Ghibli, a toujours misé sur la qualité artistique de ses jeux et sur la recherche de l’originalité. Bien qu’il s’agisse de la première collaboration du studio Ghibli à un jeu vidéo, la rencontre était, finalement, inévitable.
C’est Level-5 et son directeur Akihiro Hino qui sont à l’origine du projet. Ce dernier est par ailleurs le superviseur et le scénariste du jeu. Hino a très vite voulu collaborer avec Ghibli concernant l’aspect artistique et l’animation des scènes car il désirait intégrer la poésie et l’émotion qu’on retrouve dans les films du studio. Le projet a débuté en juillet 2008.
Yoshiyuki Momose s’est occupé de la direction de l’animation pour Ghibli, sur la demande du producteur Toshio Suzuki. Momose a choisi d’aborder ce nouveau challenge avec les mêmes contraintes et les mêmes ambitions que n’importe quel long métrage. Momose est ensuite intervenu à plusieurs étapes de la construction du jeu vidéo, ne se contentant pas de superviser les scènes d’animation. Au final, Ni no Kuni est une œuvre où les deux studios ont travaillé ensemble, afin de produire un jeu vidéo d’une qualité rare, mêlant l’excellence technique de Level-5 à l’âme de Ghibli.
Le layout d'une des cinématiques réalisées par le studio Ghibli.
Le jeu est d’abord sorti au Japon sur Nintendo DS en décembre 2010, avec un game-play adapté au stylet et nécessitant l’usage du Livre du sorcier. Ce livret contient des sorts, mais aussi le bestiaire de l’Autre Monde et des histoires courtes. Puis une autre version du jeu est sortie en novembre 2011 sur Playstation 3 dans une version plus proche des RPG traditionnels, intégrant également plus l’univers de Ghibli.
Les jaquettes des éditions japonaises de la DS et de la PS3.
Le jeu, dans ses deux versions, a reçu un excellent accueil critique au Japon. Le jeu sur DS a été vendu à plus de 500 000 exemplaires. La version PS3 a été reconnue meilleur RPG 2012 par plusieurs magazines japonais, tous reconnaissant l’exceptionnelle qualité du jeu, tant sur le plan des graphismes que sur l’histoire ou l’originalité du gameplay.
La version occidentale n’est disponible que sur PS3 et a été produite par Bandaï. Elle bénéficie de la piste japonaise et de la piste anglaise, les deux sous-titrées en français, Le livre du sorcier étant disponible dans la version collector.
Art et technique
Animation
Level-5 a utilisé pour l’animation des personnages le principe de la Motion Capture. Mais afin de préserver l’impression d’être dans un dessin animé, les animateurs ont retravaillé chaque séquence afin de rester dans l’esprit Ghibli. Le principal objectif était de respecter l’aspect arrondi des personnages, des décors. Le studio Level-5 a tout d’abord eu des difficultés avec l’ombrage et les contours propres aux cellulos des dessins animés, mais ont très rapidement réussi à l’intégrer en simplifiant au maximum les formes.
Les personnages dans une cinématique... Et dans une séquence de jeu.
Autre choix original : afin de réduire au minimum le temps où le joueur ne peut contrôler son personnage, Level-5 a choisi de supprimer les moments de pause, comme par exemple lorsque l’on doit appuyer sur un bouton pour sélectionner ou valider un objet. Dans Ni no Kuni, le personnage peut bouger même lorsqu’il vient d’obtenir un objet et qu’il l’intègre à ses items, plus proche finalement de la réalité de jeu. Le but est d’avoir réellement l’impression d’être dans un dessin animé dont le joueur est le héros.
Décors
Les décors ne sont pas sans rappeler les paysages foisonnants propres aux dernières œuvres du studio Ghibli. On croit reconnaître parfois les couleurs chatoyante et baroques du Château ambulant, les villes des Contes de Terremer ou encore la campagne verdoyante et luxuriante de bon nombre d’œuvres du studio. Level-5 a choisi d’animer ces décors en utilisant des couleurs sombres et en unifiant bien le tout afin de ne pas avoir un aspect polygonal ou issu de la 3D, propres à bon nombre de jeux vidéo.
Ceci est un décor d'une séquence de jeu ! (Cliquez pour voir l'image en haute résolution)
Musique
C’est le studio Ghibli qui a proposé à Joe Hisaishi de rejoindre l’aventure de Ni no Kuni. Après avoir rencontré Hino et découvert le projet, c’est avec enthousiasme que le compositeur attitré d’Hayao Miyazaki s’est mis à composer la musique du jeu. Si Hisaishi avoue parfois avoir du mal à créer une bande originale, il semble que Ni no Kuni l’ait particulièrement inspiré, puisqu’il a écrit 21 morceaux en 7 jours. On reconnaît immédiatement la patte du maître, tout en nuance et élégance. Pour ce monde issu de l’Heroic Fantasy, Joe Hisaishi a expliqué s’être inspiré des chants traditionnels irlandais, à la fois nostalgiques et ancrés dans l’imaginaire. Hisaishi réalise ici une de ses plus belles bandes originales, mariant l’élégance du Voyage de Chihiro au souffle épique de Princesse Mononoke.
On notera par ailleurs la chance qu’à la France, puisque Wayô Records édite pour mars 2013, en exclusivité mondiale, cette bande originale en y ajoutant artworks, paroles et informations sur la musique (entièrement traduit en anglais).
Analyse
N’étant pas spécialistes de jeux vidéo, et d’autres sites spécialisés réalisant très bien ce type de travail (voir par exemple le test sur Jeuxvideo.com), nous avons choisi de ne pas aborder l’aspect purement technique du jeu.
Mais, n'allons pas par quatre chemins, si vous êtes fans du studio Ghibli, il vous faut Ni no Kuni ! Des graphismes extraordinaires, une histoire touchante, une mise en scène soignée, une musique rappelant les meilleurs moments d’Hisaishi, on a tout simplement l’impression d’être dans un film du studio, à la différence près que c’est vous le héros ! Et preuve que Ni no Kuni est une réussite artistique : une fois le jeu terminé, on est triste de quitter l'univers et les personnages auxquels on s'est attachés au fil des nombreuses heures de jeu.
Quelques petits bémols néanmoins : on regrettera que le Livre du sorcier ne soit plus désormais qu’un joli accessoire destiné aux collectionneurs et non plus un ressort obligatoire du jeu, comme c’était le cas avec la version DS. Le jeu sur PS3 perd aussi de sa maniabilité, notamment lors des combats, un peu fastidieux (d'autant qu'ils ont assez nombreux) et difficiles à maîtriser sur cette version. Cette caractéristique le rend ainsi assez inaccessible au public enfantin, pourtant cible première du jeu, aspect renforcé par l’absence de VF, au grand dam de notre progéniture...
Une séquence de combat.
Cependant on ne peut que saluer l’effort de Level-5 d’intégrer complètement l’esprit Ghibli au jeu. On est aux confluences de tous les films d’Heroic Fantasy du studio, mêlant allégrement les références au Royaume des chats, du Voyage de Chihiro, de Princesse Mononoke, du Château ambulant ou encore, étonnamment, des Contes de Terremer. On sent que le studio Ghibli a participé pleinement à cette collaboration en ne bradant ni son style ni ses ambitions artistiques, proposant ici une œuvre à part entière parmi la « filmographie » du studio. On ne peut que rêver dès lors d’un long métrage proposé à Momose, qui a été jusqu’ici cantonné aux courts métrages et aux publicités. La relève d’Hayao Miyazaki tant recherché par le studio ne s’incarne-t-elle pas aussi et surtout dans Ni no Kuni ?
Les 5 premières minutes du jeu :
Source : making-of du jeu par Level-5