Mis à jour : dimanche 19 juin 2022

Yoshifumi Kondô

Photo : Masatoki Minami

Son parcours

Yushifumi Kondô est né le 31 mars 1950 à Gosen (préfecture de Niigata). A 18 ans, il part pour Tôkyô où Yasuo Ôtsuka lui donne sa chance. Après avoir passé un semestre au Tokyo Design College sous son enseignement, il rentre chez A Production qui sous-traite à l'époque les productions du studio Tokyo Movie. Il accède immédiatement au poste d'animateur en 1968, puis rapidement d'animateur clé sur la série Kyojin no Hoshi (L'étoile des Géants) et travaille pendant 10 ans au sein du studio.

Au début des années 70, Ôtsuka rejoint le studio A Production et travaille sur la première série de Rupan Sansei / Lupin III (Edgar de la cambriole), à laquelle participera Kondô. Hayao Miyazaki et Isao Takahata rejoignent eux aussi le studio et Kondô fait rapidement leur connaissance. Il participe alors aux moyens métrages Panda Kopanda (Panda, petit panda), en 1972 et 1973. Mais les deux maîtres de l'animation changent de studio pour Nippon Animation où ils vont se consacrer aux cycles de séries annuelles des Sekai Meisaku Gekijô, ou World Masterpiece Theater (« Les œuvres classiques du monde entier »).

De son coté, Kondô travaille sur des séries humoristiques. Mais ses convictions le poussent à créer un « cercle de perfectionnement technique » afin de pouvoir former les jeunes animateurs. Il s'implique également dans les activités syndicales.

En 1978, il quitte A Production (entre-temps renommé en Shin-Ei Animation) pour rejoindre Miyazaki et Takahata qui travaillent alors sur Mirai Shônen Konan (Conan, le fils du futur). Remarqué par la qualité de son travail, il devient responsable du Character Design de la série Akage no An (Anne, la maison aux pignons verts) dirigée par Takahata.

Après le départ de Miyazaki pour le studio TMS, dans lequel sera réalisé Rupan Sansei : Kariosutoro no Shiro (Le château de Cagliostro), Kondô travaille sur quelques épisodes de la série Tomu Sôyâ no Bôken (Tom Sawyer), puis quitte son poste pour le studio Telecom où officient Miyazaki, Takahata et Ôtsuka, et qui sous-traite pour TMS.

Il devient responsable du Character Design et directeur de l'animation sur la série Meitantei Hômuzu (Sherlock Holmes), où il collabore avec Miyazaki. Puis, il travaille sur Nimo (Nemo), qui après bien des problèmes de production s'achève avec une équipe très différente de celle prévue initialement.

Kondô retourne en 1986, et pour une durée de un an, à Nippon Animation pour travailler sur la série Ai Shôjo Porianna Monogatari (Pollyanna), puis sur la série Ai no Wakakusa Monogatari (Les quatre filles du docteur March). Finalement, il rejoint Miyazaki et Takahata au studio Ghibli en 1987. Il trouve au sein du studio une sensation de liberté qui lui donne la force de se donner corps et âme au travail d'animation. Il assure le Character Design et la direction de l'animation sur Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles), où il réalise un travail remarquable sur le réalisme des personnages. Il co-dirige ensuite l'animation avec Miyazaki sur le long métrage Majo no Takkyûbin (Kiki, la petite sorcière), puis il travaille sur Omohide Poroporo (Souvenirs goutte à goutte) comme directeur de l'animation. Après avoir été animateur clé sur Kurenai no Buta (Porco Rosso), il met en scène avec Miyazaki le spot TV Sora-iro no Tane (La graine bleu ciel) en 1992. Puis, il est à nouveau animateur clé sur le téléfilm Umi ga Kikoeru (Tu peux entendre la mer). En 1994, il retourne au poste de directeur de l'animation sur le long métrage Heisei Tanuki Gassen Ponpoko (Pompoko).

Il travaille ensuite corps et âme sur Mimi wo Sumaseba (Si tu tends l'oreille) dont il prend en charge la réalisation. Il doit assumer sur ce film la comparaison inévitable avec ses deux mentors, mais il n'a rien à leur envier grâce à la qualité de l'adaptation et de la touche personnelle qu'il arrive à insufler à son œuvre. Il s'agit d'un tournant, mais aussi d'une œuvre majeure dans la production du studio Ghibli qui vient marquer par sa fraîcheur le palmarès du studio. Kondô co-dirige par la suite l'animation de Mononoke-hime (Princesse Mononoke).

Yushifumi Kondô décède prématurément le 21 janvier 1998 à Tachikawa, dans la banlieue de Tôkyô. Il avait quarante-sept ans. Cette disparition prive le studio Ghibli du talent le plus à même d'assurer la relève des deux fondateurs. Elle laisse un vide toujours plus évident, non seulement au sein du studio, mais également dans le monde de l'animation au Japon. Ces œuvres sont finalement fidèles à son image : discrètes, sensibles et vraies.

Son art à travers quelques œuvres clés

Yoshifumi Kondô, malgré une carrière tragiquement et prématurément interrompue et une discrétion exemplaire, a développé un style original et a marqué d'une véritable empreinte les œuvres du studio Ghibli. Voici quelques-uns de ses nombreux apports à l'animation et éléments clefs de son œuvre.

Nemo

De ce grand projet international ne subsiste que le pilote de 5 minutes, réalisé par Yoshifumi Kondô. Malgré le peu d'images visibles, on remarque déjà ce qui fera la patte de Kondô : un véritable souci de détail, la recherche d'une expressivité certaine, ainsi qu'un talent de mise en scène incroyable. Nemo est le premier véritable jalon dans l'art de Kondô, annonçant certains scènes des œuvres du studio Ghibli, et en particulier les scènes de vol de Porco Rosso ou encore Si tu tends l'oreille.

Le tombeau des lucioles

Yoshifumi Kondô y assure le Character Design et la direction de l'animation. L'ensemble du visuel du film (à l'exception des décors) relèvent donc du travail de Kondô qui a joué un rôle central dans la genèse graphique du film. Là encore, on retrouve ce sens du détail et de l'expressivité, notamment dans la recherche de réalisme des expressions des deux enfants. A travers le personnage de Setsuko, on comprend que Kondô a dû observer pendant des heures le comportement de jeunes enfants. Tout semble juste dans les attitudes et les traits de la fragile Setsuko, qu'il s'agisse des moments de joie, de peine, ou de souffrance.

Souvenirs goutte à goutte

Yoshifumi Kondô assure pour cet autre chef-d'œuvre de Isao Takahata les même fonctions que dans Le tombeau des lucioles. Ainsi, le même soin extrême est apporté à la physionomie des personnages plus japonais pour lesquels Kondô a imprimé sa patte très particulière et reconnaissable. Il s'est inspiré des acteurs doublant les personnages afin de trouver l'expression la plus juste possible. On remarquera notamment le sourire particulier de Taeko qui fait ressortir ses pommettes avec grâce ou qui peut la vieillir subitement.

Si tu tends l'oreille

Bien que Hayao Miyazaki soit à l'origine du projet et en charge de la production, du scénario et du stroryboard, Si tu tends l'oreille demeure avant tout l'œuvre de Yoshifumi Kondô. Loin du fantastique dévellopé par Miyazaki, Kondô s'intéresse avant tout à dépeindre les tribulations amoureuses d'adolescents, ancrés dans une réalité urbaine et contemporaine. Là encore, on retrouve ce souci du détail et du réalisme dans les gestes des personnages, dans leurs mimiques et leurs attitudes. Ainsi, la palette d'expression de la jeune héroïne est d'une variété étonnante, véritable échantillon des expressions humaines.

Futo Furikaeru to (A jeter un regard en arrière)

Yoshifumi Kondô a réalisé pour le mensuel Animage, de 1993 à 1998, une série de croquis, au ton très personnel. Il s'agit de Rough sketches (ébauches) se présentant au départ comme un choix de croquis rassemblés autour d'un thème ou d'une saison. Ils deviennent peu à peu un format de dessin unique accompagné d'un petit texte. Ces croquis pleins de fraîcheur, inspirés de scènes entrevues dans sa vie de tous les jours, démontrent une capacité surprenante à saisir les petits moments magiques de la vie, propre aux grands animateurs.


Source : Animeland hors-série n° 3