Mis à jour : vendredi 26 mars 2021

Le jour où j'ai acheté une étoile

Résumé

La ville où vit Nona est régie par le centre de surveillance du temps. Celui-ci supervise comment les citoyens utilisent leur temps et lutte contre son gaspillage. Nona est incapable de supporter cette vie et s'enfuit de chez lui. Alors qu’il erre seul et sans but à travers le désert, il fait la rencontre une femme mystérieuse nommée Ninya et décide de vivre dans sa ferme.
Un jour, alors qu’il est en chemin pour vendre des navets au marché, Nona croise la route de deux étranges commerçants, Scopello la taupe et Maykinso la grenouille, qui en échange de ses légumes, lui donne une graine d'une étoile. Nona rapporte la gemme à la ferme et la plante dans un pot. Bientôt, une planète minuscule en émerge…

Note d’intention par Hayao Miyazaki

Naohisa Inoue, l'auteur de l’histoire du court métrage Le jour où j'ai acheté une étoile, et moi, nous connaissons depuis plus de dix ans. Nous avons travaillé ensemble lors de la production du long métrage Si tu tends l'oreille. Inoue-san a également dessiné les illustrations d'un monde fantastique appelé Iblard. Iblard, c’est une lumière, une couleur et des histoires très originales. C'est un monde étincelant et lumineux où tout ce qui semble être nuages, rochers et plantes est doucement mélangé, où même les planètes et le temps se confondent. C’est un peu comme la cheminée qu’Alice trouve dans De l'autre côté du miroir de Lewis Carroll. Il y a toutes sortes de choses inhabituelles, et lorsque vous en regardez un certain nombre et essayez de déterminer leur forme ou leur couleur, elles deviennent floues et vous vous retrouvez à regarder du coin de l'œil d'autres choses qui semblent encore plus jolies.
Inoue-san a créé à la fois un livre d’illustrations pour enfants et un manga qui prennent place dans le monde d'Iblard. Il y a déjà pas mal de temps, j'ai reçu un exemplaire du manga et je l'ai lu et relu, encore et encore, me demandant parfois s'il pouvait aussi être adapté en film.

C’est probablement au moment où Inoue-san réalisait une fresque murale pour le hall du musée Ghibli (Ndt : entre décembre 2001 et avril 2002), qu’au cours d’une conversation, il m’a parlé de son projet de créer un livre d’illustrations. Et c'est à ce moment-là, qu'il m'a raconté pour la première fois avec enthousiasme l'histoire du court métrage.

Le personnage principal a récolté beaucoup de navets et va sur le marché pour les vendre, mais en chemin, il rencontre des nains vendeurs de planètes. Avec seulement ses navets, il n'a pas vraiment assez d'argent pour en acheter une. Mais l'un des nains accepte de lui en céder une, s'il « élève la planète correctement, et les invite un an plus tard à une fête dessus. »
Et ainsi, le protagoniste élève sa planète, et lorsqu’elle devient grande,
« il part à l’aventure avec elle. »
Quand Inoue-san m'a raconté cela, il était aussi excité qu'un gamin.

« Avec cela », il m’est apparu à l’esprit que « nous pouvions réussir. Nous pouvions faire un film sur Iblard. » Plus nous en parlions, plus nous étions en train de décider de le faire. Mais Inoue-san voulait que le personnage principal soit une fille, et au moment où il m'avait raconté son histoire, j'avais déjà décidé qu'il s'agissait d'un garçon. Et ni l’un ni l’autre ne céderait sur ce point. Nous sommes ensuite tous les deux devenus occupés, et le temps a passé. Inoue-san a continué son travail, sans toucher à son livre d’illustrations, et j'ai poursuivit le mien, ne me rappelant qu'occasionnellement ce dont nous avions parlé.
Deux ans plus tard, au moment où j'ai fini de travailler sur
Le château ambulant, nous avons eu un créneau dans le planning du studio. Ce fut là une réelle opportunité pour nous de réaliser un court métrage pour le musée Ghibli. Et cela, aussi vite possible. En faisant table rase du passé, je suis allé de l’avant et j’ai dessiné quelques croquis pour l’histoire, sans en parler à Inoue-san. Et bien sûr, j'ai fait du héros de l'histoire un garçon.
J'ai ensuite demandé à Toshio Suzuki, le producteur de nos films, d’apporter les croquis à Inoue-san. Et j'ai eu de la chance, parce qu’Inoue-san en était ravie, même si j'avais un peu violé les règles de base que nous avions établies. Les idées d'Inoue-san pour son manga et son livre d’illustrations ont prises de l'ampleur et, avec le temps, ont explosées. Il m’a donné plus de matière que je n'aurais jamais pu en espérer. Et c'est ainsi que le film
Le jour où j'ai acheté une étoile est né.
Dans ce film, Iblard est un autre monde. Nous ne savons pas où il se trouve, si il existe simplement juxtaposé à côté du notre, ou si il n'existe que dans notre propre esprit. Si Nona venait à rester pour toujours dans le jardin de Ninya, je pense qu'il finirait par s’effacer pour disparaître. Mais je pense aussi que Nona ne souhaiterait pas abandonner le monde d'Iblard pour ne vivre uniquement que dans le notre.
Pour citer l’auteur américain Raymond Chandler dans son roman
Playback : « Si je n’étais pas fort, je ne serais pas en vie. Si je ne montrais pas de la douceur, je ne mériterais pas d'être en vie. »
Pour moi, c'est ça Iblard.

Hayao Miyazaki, 1er janvier 2006

Création du film

Le jour où j’ai acheté une étoile prend place dans le monde d’Iblard, univers pictural créé par l’artiste Naohisa Inoue. Comme le rappelle Hayao Miyazaki dans sa note d’intention, Iblard avait déjà été exploré presque onze ans plus tôt, dans le film Si tu tends l'oreille de Yoshifumi Kondô, lors d’une scène onirique vécue par l’héroïne.

Sur ce court métrage Miyazaki s’entoure, pour l’animation, de Megumi Kagawa, qui a déjà alterné entre le poste d’animatrice clé et de directrice de l’animation sur la plupart des films du studio Ghibli, et pour les décors, de Yôhei Takamatsu, dont c’est ici la première expérience au poste de directeur artistique.

L’univers d’Iblard se décline sur une multitude de supports. Cependant, c’est essentiellement à partir de quatre ouvrages que Miyazaki s’inspire pour créer son film : le manga Ibarâdo Monogatari et les livres Meiro no Machi de Kiita Hanashi (Ce que j’ai entendu dans la ville labyrinthe), Ibarâdo no Tabi (Voyage à Iblard) et Ibarâdo (Iblard).

Couverture du manga Chroniques d'Iblard traduit en français en 2007 dans le label Kantô des Éditions Milan.

Le court métrage et le livre Le jour où j'ai acheté une étoile d’Inoue sortiront la même année, à quelques mois d’intervalle : janvier 2006 pour le premier, et avril 2006 pour le second

Couverture du livre Le jour où j'ai acheté une étoile par Naohisa Inoue.

Naohisa Inoue, créateur du monde d’Iblard

Naohisa Inoue est le créateur du monde d’Iblard (site internet officiel d’Iblard en français). C’est en 1994, à l’occasion de sa première exposition à Tôkyô, qu’il rencontre Hayao Miyazaki et qu’ils deviennent amis. Inoue est avant tout un peintre mais son travail sur Iblard se décline également sur d’autres médias, comme l’illustration et le manga. « Iblard est l’univers que j’ai créé. Mais pour moi, ce n’est pas un monde imaginaire : je pense que c’est le monde où l’on vit réellement. »

Le choix du titre Iblard vient d’une idée du romancier Kenji Miyazawa (dont Isao Takahata a déjà adapté les écrits avec le film Gauche le violoncelliste). Il appelait la région où il était né Ihatobu et pensait qu’en changeant le nom d’un endroit, cela nous permettait d’avoir sur lui différents regards. Inoue a fait de même et il a ainsi appelé Iblard la ville où il habite et dessine (en l’occurrence, la ville d’Ibaraki, dans la préfecture d’Osaka). « À partir de là, on a l’impression que les paysages habituels sont plus vivants, plus merveilleux, comme si on regardait un autre monde. Ceci dit, Iblard n’est pas un pays fabriqué artificiellement, c’est plutôt le paysage que je vois réellement à certains moments. »

Naohisa Inoue se déclare une nouvelle fois ravi de sa nouvelle collaboration avec le studio Ghibli et de voir ainsi à nouveau porté son univers et ses personnages en film d’animation, comme une nouvelle porte d’entrée sur le magnifique. « Les paroles et les actes des êtres humains deviennent parfois magiques. C’est un pouvoir que tout le monde possède mais avec lequel la plupart des gens vivent sans le savoir. Dans ce sens, Miyazaki est un grand sorcier car il crée des films magnifiques. Je pense que le monde créé par Miyazaki n’est pas un monde de fiction comme Iblard. Mais c’est une autre façon de voir le monde. C’est pourquoi on trouve la réalité inoubliable dans une histoire fantastique. Toutes les œuvres de Miyazaki sont merveilleuses et magnifiques et nous exaltent. Avec ce film, j’ai l’impression que nous avons fait de la magie. »

L'animation

Même si elle a bien quelques regrets concernant des détails sur l'animation, Megumi Kagawa considère que son travail sur le film ne fut pas si difficile car il n’y avait pas beaucoup de paroles, ni de grands mouvements compliqués chez les personnages. Son travail de direction de l’animation s’est donc résumé aux tâches de base habituelles : vérification des dessins des animateurs ou de timing.

Malgré son manque d’expérience au poste de directrice de l’animation, elle se déclare très satisfaite du travail et des efforts effectués par ses collaborateurs. Comme, par exemple, sur la scène où l’étoile croie et tourne sur elle-même, réalisée grâce au concours d’effets numériques. Toutefois, elle avoue avoir plutôt été préoccupée par le fait qu’elle n’avait pas bien compris l’histoire en elle-même au départ. De plus, l’e-konte de Hayao Miyazaki comportait peu d'explications, et plus particulièrement au sujet du personnage de Nona.

« Ce que j’avais compris, c’est que Nona était un garçon calme, sérieux et sensible. J’avais aussi l’impression qu’il était un peu sombre. C’est du moins ce que j’ai déduit des réponses apportées par Miyazaki à mes questions. Ce fut assez dur mentalement de dessiner Nona, je devenais moi-même plus triste à force de dessiner ce garçon soucieux. Avec le recul, et c’est mon opinion personnelle, j’ai maintenant l’impression que le film parle un peu de l’adolescence de Miyazaki. Il avait lui aussi une tante libre comme Ninya. »

La croissance de la planète par Hayao Miyazaki

« Lorsque la lumière de la lune brille à travers la fenêtre, la planète commence à flotter hors du pot et à tournoyer. Elle grandit et révèle alors une sorte de genèse. La vapeur d'eau du vaporisateur de Nona finit par donner naissance à des nuages, et la pluie commence à tomber sur la petite planète. La foudre éclate dans les nuages, et la pluie qui tombe finit par recouvrir la moitié de la planète avec des océans. Nous observons la naissance de mers primitives sur une Terre recréée. La planète absorbe la terre dans le pot et devient progressivement de plus en plus grande. L’herbe recouvre les continents, et un cloporte, ancêtre de tout être vivant, commence à ramper. Le garçon prend une couverture dans la remise et regarde la planète se développer, tel le Créateur veillant sur le monde qu’Il a créé.
Finalement, tout devient trop chaotiques pour le garçon, et il doit dire au revoir à la planète. »

Les décors

C’est la première fois que Yôhei Takamatsu est promu au poste de directeur artistique. Même si le film raconte une histoire qui se déroule dans le monde d’Iblard, Hayao Miyazaki lui a conseillé de ne pas dessiner les décors en cherchant à imiter le style de Naohisa Inoue. Il ne lui montrera qu’un seul et unique tableau de l’artiste et lui demandera de dessiner en essayant de retrouver l’ambiance de celui-ci, sans trop l’imiter… Le tableau, nommé Mozumeno no Ie (Ndt : on le trouve dans le livre illustré Meiro no Machi de Kiita Hanashi), ressemble un peu à la maison de Ninya dans le film, qui se trouve seule et isolée au milieu des champs.

Takamatsu a donc créé tout l’univers du film en s’inspirant de ce tableau. Notamment le ciel, au niveau de ses couleurs, aux tons gris et verts, afin d’avoir un ciel peu lumineux mais ouvertement fantastique. Mais pour que ce ciel soit plaisant, il a délibérément utilisé le rose et le jaune pour les nuages.

C’est à la demande de Miyazaki qu’il a également dessiné des décors aux styles différents en fonction des scènes. Pour la scène du marché, par exemple, Miyazaki pensait qu’il fallait mieux que les images expriment de la joie et de la légèreté, même si les autres scènes ne semblaient pas raccord avec.

Le plus difficile furent les scènes de nuit. Pour celles-ci, Miyazaki a demandé à plusieurs reprises à Takamatsu de ne surtout pas être monotone. Ce qui était important, paradoxalement, était la luminosité de ces scènes, c'est-à-dire, l’étoile, les bougies et la lune. De plus, la luminosité devait changer jour après jour. Quant à la chambre de Nona, elle est globalement sombre à toute heure de la journée et peu changeante, que ce soit le matin, en journée ou de nuit.

L’étoile que Nona fait pousser fut également difficile à représenter : elle devait être plus romantique et réaliste que fantastique. De plus, elle devait rester cohérente avec le monde qui l’entoure.

Crédits

Titre星をかった日 (Hoshi wo Katta Hi)
The Day I Bought a Star / Le jour où j’ai acheté une étoile
Histoire originale Naohisa Inoue
Scénario, réalisation Hayao Miyazaki
Directeur artistique Yôhei Takamatsu
Directrice de l'animation Megumi Kagawa
Contrôle de l’animation Hitomi Tateno
Couleurs Michiyo Yasuda
Directeur de l'animation numérique Mitsunori Kataama
Directeur de la photographie Atsushi Okui
Musique Norihiro Tsuru (Violon) et Yuriko Nakamura (Piano)
Production Studio Ghibli en coopération avec Mamma Aiuto Co., Ltd.
Date de sortie 3 janvier 2006
Durée 16 minutes 3 secondes

Doublage

Nona Ryûnosuke Kamiki
Ninya Kyôka Suzuki
Scopello Genzô Wakayama
Maykinso Yo Ôizumi

Sources : fascicule du court métrage Le jour où j'ai acheté une étoile - Turning Point: 1997-2008 par Hayao Miyazaki
Remerciements : merci à Yasuka Takeda pour les traductions