Ponyo sur la falaise : Références culturelles
Références japonaises
Les glaïeuls
Le glaïeul a plusieurs significations dans le langage des fleurs, dont « amour passionné », « souvenir », « effort » et « oubli ». Peu de fleurs symbolisent autant d'idées à la fois. Alors qu'il travaillait sur les décors avec son directeur artistique pendant la phase de pré-production, Hayao Miyazaki exprima son désir de faire figurer des glaïeuls dans le film. Il désirait q'ils soient les témoins de l'amour simple et passionné de Ponyo et des efforts que fait Sôsuke pour surmonter l'épreuve qui se présente à lui, mais aussi un symbole, après que tous les événements du film soient terminés, de l'oubli qui s'empare des personnages quand ils reprennent leur vie ordinaire comme si rien ne s'était passé, comme si tout n'avait été qu'un rêve.
La mer
Hayao Miyazaki invente ici sa propre mythologie, puisque Gran Mamare est une invention personnelle, la divinité de la mer au Japon étant traditionnellement le dieu Susanoo. Gran Mamare incarne l'image de la fertilité et de la plénitude, à l'image de la Lune qui l'accompagne à chacune de ses apparitions. Miyazaki retourne donc à une vision plus primitive de la divinité.
Le requin-baleine
Un des monstres du Dévonien, le Devonynchus, ressemble à un requin-baleine gigantesque avec un corps étrangement plat. Imaginée par Hayao Miyazaki, cette créature s'apparente selon lui à un Ittan Momen, un monstre du folklore japonais dont le corps ressemble à un long morceau de tissu blanc.
Ittan Momen dans le manga GeGeGe no Kitarô (Kitaro le repoussant) de Shigeru Mizuki.
Les sirènes
Les sirènes japonaises, appelées Ningyo (de nin, « humain » et de sakana, « poisson »), sont traditionnellement représentées avec un corps de poisson, une tête humaine et des dents de singe. La légende raconte que si un humain mange la chair d'une sirène, il devient immortel. Capturer une sirène amène le malheur et des violents orages chez celui qui l'a pêchée. Si elle échoue sur la plage, elle apporte guerre et calamités en tout genre.
Ningyo de Toriyama Sekien (1781).
On remarquera qu'ici, Ponyo échoue sur la plage et se fait capturer par Sôsuke, d'où la réaction terrorisée de Toki, convaincue, à juste raison qu'un tsunami va déferler sur la ville. Quant au mythe de l'immortalité, Hayao Miyazaki l'inverse. En goûtant le sang de Sôsuke, Ponyo devient plus humaine et à la fin mortelle.
L'Umi-bôzu
Les poissons d'eau, serviteurs fidèles de Fujimoto, semblent se rattacher à l'univers multiformes des yôkai japonais et entretiennent plus particulièrement des liens étroits avec l'Umi-bôzu.
L'Umi-bôzu est un spectre marin qui, comme la très grande majorité des yôkai, jouit d'une image très négative. Il est connu pour faire chavirer les navires, petits ou gros, et pour faire peur aux marins. Il ressemble à une grosse vague très arrondie qui possède de gros yeux sans paupières. Son nom, formé de l'association des caractères japonais « mer » et « moine » (ou « bonze »), devient dès lors tout à fait simple à comprendre : « mer » pour définir le lieu où il habite et « moine » pour décrire son aspect arrondie (les moines au Japon ont, traditionnellement, le crâne rasé).
Dans un environnement difficile, où la mer et le climat sont impossibles à prédire, la croyance en des spectres Umi-bôzu peut se comprendre aisément. Le passage par l'image durant l'époque Edo (débutant vers 1600 et prenant fin vers 1868) est d'ailleurs une manière de briser cette peur. Dessiner un yôkai, c'est lui enlever une partie de son mystère. Une manière aussi de le « posséder », de le dominer, comme l'on possède l'estampe où il est représenté. Car rien n'empêche alors de le caricaturer, de le déformer, ou de le ridiculiser. Au passage, il est amusant de constater que ce yôkai a déjà été utilisé par Isao Takahata, dans son long métrage Pompoko, lors de la fameuse séquence du défilé des yôkai. Il serait, par ailleurs, également difficile d'évoquer ce passage du film sans parler du travail du mangaka Shigeru Mizuki (Kitaro le repoussant) sur les yôkai, car il a été une importante source d'inspiration graphique pour le film de Takahata.
L'Umi-bôzu tel que représenté par Shigeru Mizuki et ayant lui-même inspiré celui visible dans Pompoko.
Si l'on souhaite remonter plus loin dans la représentation de l'Umi-bôzu avec des sources plus anciennes, il faut s'orienter vers deux peintres d'estampes. L'Umi-bôzu d'Utagawa Yoshinobu (1838-1890) est certainement l'une des estampes les plus connues sur cette apparition. Elle s'inspire elle-même d'une estampe d'un de ses maîtres, Utagawa Kuniyoshi (1797-1861).
L'Umi-bôzu d'Utagawa Yoshinobu et celui d'Utagawa Kuniyoshi.
Sôsuke
C'est le prénom du personnage principal du roman de Sôseki Natsume La porte. Sôsuke est celui « qui vit dans une maison sous la falaise ». Or, Hayao Miyazaki a lu les œuvres complètes de cet auteur après avoir terminé Le château ambulant.
Références universelles
Andersen
La petite sirène est un conte de Hans Christian Andersen. La petite sirène est la fille du roi des océans, mais elle est fascinée par le monde des humains. Un jour, elle assiste au naufrage d'un navire et sauve le jeune prince qui allait se noyer. Elle le dépose sur une plage où il est recueilli par des jeunes filles. Elle va voir la sorcière des mers pour se faire transformer en humaine. Celle-ci accepte en échange de la voix de la sirène et prévient la jeune fille : si le prince épouse une autre jeune fille, la petite sirène sera transformée en écume. La jeune fille se rend au palais et retrouve le prince. Le jeune homme ne se souvient plus d'elle et est persuadé que la jeune fille qui l'a recueilli sur la plage est celle qui l'a sauvé. Bien qu'il soit amoureux de cette chimère, il promet à la sirène de l'épouser. Mais lors d'un voyage, il rencontre la fille d'un roi qui n'est autre que la jeune fille de la plage. Dès lors, il abandonne la petite sirène et annonce son mariage avec sa dulcinée. Plutôt que de tuer le prince et d'ainsi se sauver, elle préfère se sacrifier et se jette à la mer, se transformant en écume.
C'est à cette légende que fait référence Fujimoto et Gran Mamare, lorsqu'ils apprennent que Ponyo est amoureuse d'un humain, le père de la sirène craignant pour la vie de sa fille.
Brünnhilde et les Walkyries
La Walkyrie est le deuxième volet de la tétralogie de Richard Wagner, Der Ring des Nibelungen. Brünnhilde, est l'aînée des neuf sœurs Walkyries. Dans la deuxième partie, son père Wotan l'abandonne seule sur un rocher, entouré de flammes, car elle lui a désobéi et l'a trahi. Le lien avec Ponyo est donc ici évident, bien que l'héroïne wagnerienne ait un destin ô combien plus sombre et funeste. Quant à Wotan, ce chef des dieux tente d'empêcher la fin des dieux et du monde en général, comme Fujimoto.
Par ailleurs, la musique de la scène du tsunami évoque irrésistiblement le mythique air de Wagner La chevauchée des Walkyries (prélude de l'acte III, scène 1).
Les monstres du Dévonien
Les Dipnorhynchus et les Bothriolepis sont des poissons qui vivaient réellement à l'époque du Dévonien et dont des fossiles ont été retrouvés.