Mis à jour : vendredi 11 mars 2022

Le château de Cagliostro : Art et technique

Conception graphique

Bien qu'aucun voyage spécifique n'ait été entrepris pour le film, la principauté de Cagliostro est inspirée des premiers voyages de repérages en Europe de Hayao Miyazaki : la Scandinavie pour le projet de série TV Fifi Brindacier en août 1971, la Suisse pour la série TV Heidi en juillet 1973 et l’Italie pour la série TV Marco / 3 000 lieues en quête de mère en 1975.

Le réalisateur mentionne aussi un livre qu'il a aperçu dans une vitrine et sur lequel il s'est précipité : Les villes de montagne italiennes et l'estuaire du Tibre. Monkey Punch qui adorait placer ses personnages dans des cadres étrangers excitants a du être ravi de voir ce pays des merveilles créé par Miyazaki et son équipe.

Avec ce film, Miyazaki a également saisi l'occasion d'avouer l'influence du célèbre animateur et réalisateur français Paul Grimault. Le palais du roi de Takicardie dans Le Roi et l'Oiseau, et plus exactement La Bergère et le Ramoneur, la version désavouée par ses auteurs Paul Grimault et Jacques Prévert, a largement inspiré le château du comte de Cagliostro avec ses flèches s'élançant vers le ciel, ses tourelles, ses toits vertigineux, ses donjons, ses portes dérobées ou encore ses oubliettes.

Dans la période de pré-production, Miyazaki avait dessiné les plans du château avec le plus grand soin. Pas seulement les environs et l'architecture extérieure mais également tout l'agencement intérieur, afin que les déplacements des personnages soient cohérents et que le château paraisse réel.

Plan du château du comte de Cagliostro dessiné par Miyazaki et localisé en français.
(Cliquez sur la vignette pour afficher le plan en grand format.)

Le directeur de l’animation et collègue de longue date de Miyazaki, notamment sur Conan, le fils du futur, Yasuo Ôtsuka, a fait partie de l'équipe d'animation de Lupin III depuis le tout début. C'est à lui que l'on doit le design des personnages et des véhicules dans le film. Connaissant le style du réalisateur, il adoucit et rajeunit les traits des personnages, les rendant plus sympathiques et plus romantiques qu'à l'accoutumée.

Animation

La scène de course-poursuite en voiture

Le château de Cagliostro reste célèbre pour ce morceau de bravoure animé d’anthologie ouvrant quasiment le film. Très largement citée comme source d’inspiration par John Lasseter, cette scène a été supervisée par l’animateur clés Kazuhide Tomonaga, formé par Yasuo Ôtsuka à la Tôei Dôga et ensuite pilier du studio Telecom.

Dans sa relecture de l’univers de Lupin III, Hayao Miyazaki a souhaité supprimer le côté clinquant de la première série TV dans laquelle les personnages roulaient dans des voitures luxueuses. Dans son film, les personnages roulent dans les véhicules modestes et ordinaires. Lupin et Jigen traverseront le film au volant d’une Fiat 500 (voiture fétiche d’ Ôtsuka) et Clarisse au volant d’une Citroën 2 CV (voiture fétiche de Miyazaki).

Le réalisateur a expliqué avoir eu en tête cette course d’une « deux chevaux » poursuivie par d’autres voitures bien avant le film.
Il aura fallu un peu plus de 2 mois pour réaliser cette scène de poursuite. L’équipe de Tomonaga a travaillé sur la base du storyboard très détaillé de Miyazaki pour tenter de préserver à l’écran le mouvement de son dessin original, jeté à toute vitesse et empreint de son style et de son caractère.
C’était pour Tomonaga la première fois qu’il devait dessiner des voitures avec autant de soin, véhicules avec lesquels il n’était pas vraiment expert. Corriger chaque pose clé finalisée aurait pris trop de temps, aussi, Tomonaga réalisait une animation rough qu’il faisait ensuite contrôler par Miyazaki ou Ôtsuka. Ils regardaient les dessins de son animation en ajoutant des corrections, ainsi Tomonaga comprenait mieux comment animer ces véhicules.
Miyazaki et Ôtsuka lui ont demandé de rester très précis sur la vitesse à laquelle le décor devait défiler derrière les voitures, sur quelle distance exactement les animateurs de Tomonaga devaient le faire glisser à chaque image. Ils considéraient que la Fiat devait rouler entre 60 et 70 km/h dans cette scène. Il leurs fallait prendre en compte la taille de la voiture et en déduire de combien le décor était censé défiler entre chaque image. Comme il y a 24 images par seconde dans un film pour le cinéma, ils pouvaient calculer précisément la vitesse. Au final, ce souci de logique donne un résultat auquel le spectateur peut croire plus facilement.

Autres scènes notables

Les scènes de cambriolage du casino au tout début du film, celle sur les toits du château de Cagliostro, ou encore de diner autour d’un plat de pâtes entre Lupin et Jigen, ont été supervisées par Atsuko Tanaka. Cette animatrice clé fut un pilier du studio Telecom ou elle commence sa carrière. Elle y restera 20 ans avant de rejoindre le studio Ghibli.

La scène sur les toits du château notamment, jubilatoire et invraisemblable, porte la patte de la première période du travail d’animation de Hayao Miyazaki. Elle est marquée par une école dite « du mouvement », qui trouve sa source à la Tôei Dôga au tournant des années 50 et jusque dans les années 70, et dont l’un des principaux acteurs est Yasuo Ôtsuka, instigateur du film, figure forte du studio Telecom formé autour de lui, mentor de Miyazaki et formateur des principaux animateurs du film.

Musique

La musique, riche et évocatrice, est composée par Yûji Ôno, déjà en poste sur la seconde série TV de Lupin III. Le thème familier de Lupin III a été retravaillé et Ôno a fait appel à un large éventail d'influences pour soutenir efficacement l’action, du Jazz apprécié par Monkey Punch, aux morceaux d'orchestre classique majestueux et romantiques.
Dans ses ruptures, sa composition semble également avoir été influencée par celle d’Alain Goraguer pour le long métrage d’animation français La planète sauvage, réalisé par René Laloux et sorti en 1973, film que Hayao Miyazaki a vu.
Bien que Joe Hisaishi soit le plus souvent associé aux musiques des films de Miyazaki, il faut reconnaître que Ôno a fait du bon travail et sa bande originale s'écoute en tant que telle avec beaucoup de plaisir.