Le château de Cagliostro : Analyse
Le château de Cagliostro est une réussite toute à fait stupéfiante pour un premier long métrage. Hayao Miyazaki impose d'emblée son style et son talent : faire accepter au spectateur le beau, le magique, l'improbable, de façon tout à fait naturelle, sans insulter son intelligence ni sombrer dans le sentimentalisme. Le château de Cagliostro préfigure à bien des égards les futurs travaux du réalisateurs, ce dernier développant déjà les procédés et les thèmes fondamentaux qui caractériseront des films comme Le château dans le ciel ou Porco Rosso. Les pauses notamment sont des moments de contemplation d'une nature resplendissante de beauté, et s'intercalent avec bonheur entre les scènes d'action trépidantes, qu'il affectionne par ailleurs.
L'histoire se déroule dans cette Europe imaginaire qu'affectionnent les Japonais : un paradis étincelant avec ses lacs et ses montagnes, ses villes et ses châteaux sophistiqués, ses mystères et ses secrets, bref le cadre parfait pour l'aventure et la romance. Le château de Cagliostro est le film d'un jeune réalisateur, voulant faire partager sa passion du cinéma et offrant l'envie au spectateur de voyager, rire, rêver. Dans ce cadre idyllique, il nous offre un scénario d'une densité et d'une richesse remarquables qui balance le spectateur entre la comédie et l'action avec une facilité désarmante.
Les scènes dramatiques sont magistralement menées et mises en scène. On peut citer la délirante poursuite de voitures au début du film, le périlleux (et hilarant) exercice de funambule sur les toits du château qui permet à Lupin de retrouver sa princesse, ou encore le duel homérique entre Lupin et le comte dans la machinerie de l'horloge.
Le final du film est émouvant. La minute pendant laquelle le secret du trésor est dévoilé est un moment aussi intense que la découverte du château dans le ciel par Pazu et Sheeta dans le film du même nom. La mort du comte, victime de sa propre folie, marque le sacre de Clarisse et le commencement d'un nouveau Cagliostro. Quelque chose de merveilleux va émerger de ce qui a disparu mais le voleur et la princesse doivent se quitter... Le spectateur ne peut qu'éprouver ce sentiment ambigu du happy end teinté d'amertume et de mélancolie, sentiment qu'il éprouve dans Le château dans le ciel, Porco Rosso et autres Princesse Mononoke...
Prisonnier d'un casting en grande partie établi, Miyazaki parvient pourtant à faire justice à chacun des personnages. Jigen reste le compagnon d'armes indispensable, confident auquel Lupin peut révéler les informations vitales dont le spectateur a besoin pour suivre l'histoire. Zenigata, l'infatigable inspecteur, prend une nouvelle dimension lorsque confronté à la corruption des hautes instances internationales, il fait passer, pour une fois, Lupin au deuxième plan. Fujiko, malgré des apparitions relativement courtes, a un rôle dont l'impact psychologique sur Lupin est très important puisqu'elle lui rappelle que la vie qu'il a choisi ne laisse de places qu'aux garces sur qui on ne peut pas compter, et non à des jeunes filles innocentes. Finalement, seul le samouraï Goemon semble un peu sous-exploité dans cette histoire.
Mais c'est peut-être plus encore dans les relations entre personnages que dans leur caractérisation individuelle que Miyazaki excelle. La relation entre les trois personnages principaux, Lupin, Clarisse et le Comte, est particulièrement intéressante. Si Clarisse et le comte représentent respectivement la lumière et l'obscurité, Lupin est la pénombre, à mi-chemin entre le paradis de l'innocence totale et l'enfer de l'amoralité absolue. En fait, il n'est qu'un humain parmi tant d'autres, faillible et balançant entre deux opposés, faisant de son mieux pour protéger l'innocent et admettant son penchant vers « le coté obscur ».
Hayao Miyazaki impose ainsi son idée personnelle de Lupin III : celle d'un véritable héros humain, généreux et chevaleresque. Bref, le second visage complètement ignoré par Monkey Punch, dont le personnage original était un authentique antihéros à la physionomie simiesque, vil, libidineux, intéressé, méchant et teigneux. Le Lupin du Château de Cagliostro est très différent de celui de la première série. Il n'est ni insouciant ni vantard. Le personnage a presque le même âge que Miyazaki, il a passé un véritable cap, il est désormais plus mature. Il est arrivé au milieu de sa vie, a dressé le bilan de ses folles années. Bien qu'il éprouve des vrais sentiments pour Clarisse, il ne peut l'emmener avec lui, parce qu'elle n'a que 17 ans, et qu'il est déjà un homme d'âge mur...