Mis à jour : dimanche 5 mars 2023

Heidi : Art et technique

Sur Heidi, Isao Takahata et son équipe se retrouvent à nouveau confronté aux contraintes techniques de la production de série TV. Ils doivent donc abandonner l'idée d'une animation souple pour une animation plus minimaliste qui répond aux cadences exigées par la télévision.

A l'écran, l'animation est saccadée, bien sûr, mais se rattrape par une grande variété de poses que l'on peut attribuer à Yôichi Kotabe et Hayao Miyazaki au poste du layout. Ce poste, qui intervient après la mise en image du scénario dans l'étape du storyboard, est toujours difficile à définir simplement. Il faut tout d'abord comprendre comment fonctionne la décomposition d'un plan : souvent un décor (parfois un second en haut de la pile si le personage passe derrière un élément de décor) et la (ou les) couche(s) d'animation. Ces éléments à créer sont demandés aux décorateurs et animateurs. Au stade du layout, on place les personnages en action dans le plan, ce qui équivaut souvent à une ébauche de poses clés et ce qui tendrait à expliquer pourquoi on a tendance à reconnaître la patte de Miyazaki à l'écran dans le posing des personnages.

La série Heidi a nécessité trois fois plus de cellulos qu'une série de l'époque. On ressent à l'écran cette surabondance de dessins en distinguant très peu de réutilisation d'animations, procédé utilisé et décrié dans les séries d'animations japonaises mais qui est en fait la marque de fabrique de ce genre de séries partout dans le monde. Cette intelligente pirouette dans la gestion de l'animation peut être attribué au Character Design, très malin, de Kotabe qui a su créer, outre un graphisme marquant encore 30 ans plus tard, un dessin tout en rondeur pour les personnages. On aboutit à une économie de traits, donc le dessin est très facile à redessiner et à animer.

Premiers design des personnages signés Yasuji Mori.

Concernant les décors, Masahiro Ioka et son équipe ont la lourde tâche d'amener une ambiance et de la couleurs à l'image. En revanche, peu de couleurs sont attribuées aux personnages, les ombres portées sont très rares, sans doute pour faciliter le gouachage des cellulos, déjà abondants. On peut remarquer certains détails, comme par exemple, le fait que les costumes des personnages ne soient jamais renouvelés : Heidi n'aura que 4 robes dans toute la série, Claire, même à la montagne, ne quittera jamais sa robe de ville, alors que sa condition sociale, mais surtout l'aspect pratique de la chose, devrait l'y autoriser... On pourrait croire que cette économie dessert la qualité de la série. Mais il n'en est rien à l'écran. Car encore une fois, la qualité et la multiplication des poses, associées aux relations et à la narration de l'histoire, passent au premier plan et accaparent notre intérêt de spectateur, qui se moque bien finalement de savoir le nombre de vêtements dans la garde robe de Heidi.