Entretien avec Hitomi Tateno :
Le Sasayuri Café
Comment passe-t-on du milieu de l’animation à celui de la restauration ? Parlez-nous du Sasayuri Café et de ce concept de restaurant/galerie d’exposition dédié à l’animation.
Durant mon contrat chez Ghibli, et avant que je sache que le studio serait dissout, pour échapper à la rudesse de mon travail, j’imaginais parfois ce que je ferais si je n’étais pas animatrice. J’aime bien cuisiner le curry, notamment le Keema, que je prépare avec beaucoup de gingembre. C’est une recette qu’on ne voit pas souvent. J’imaginais donc ouvrir un petit restaurant de curry. Juste un comptoir. J’ai un côté un peu excentrique. J’en ai parlé à M. Miyazaki et il m’a dit avec dureté : « Hein, un restaurant de curry ? C’est un travail difficile. C’est comme un restaurant de ramen qui doit adapter ses assaisonnements en fonction des saisons. » J’ai donc répondu : « C’est vrai, ce n’est pas si simple de changer d’emploi... » Voici ce qui s’est passé à la base.
Finalement, Ghibli a été dissout et j’ai su que j’étais arrivée au bon âge. Il y a très peu d’animateurs qui continuent à travailler jusqu’à 60 ou 70 ans. A cet âge, on voit de moins en moins bien détails. C’était également une période de transition vers le numérique. Je pouvais suivre ce changement, mais les méthodes de travail changeaient aussi. J’ai effectué la quasi-totalité de ma carrière chez Ghibli et en allant ailleurs, j’aurais dû tout recommencer à zéro. Je n’étais pas sûr de supporter une telle situation.
Quitte à tout recommencer, pourquoi pas ne pas ouvrir un restaurant ? De plus, je pouvais compter sur des indemnités de licenciement intéressantes. Alors, je me suis lancée. Par chance, mon partenaire, M. Arimura, avait de l’expérience dans la restauration et il venait de changer de travail. Nous avons décidé de nous associer. Seule, je me serais pas lancée.
Mon rêve est aussi devenu plus grand. Un comptoir aurait été trop petit. On nous a conseillé d’ouvrir un café car nous pourrions servir de l’alcool et ainsi réaliser plus de bénéfices. C’est comme ça que nous nous sommes lancés pour un café qui servirait principalement du curry.
Nous avons prospecté les agences immobilières tout du long de la ligne JR Chûô (NDT : qui dessert notamment le studio et le musée Ghibli). Mais il y avait très peu de choix dans nos critères quand nous avons trouvé cet endroit dans ce quartier. Les bonnes affaires s’en vont avant même d’être affichées en vitrine. L’endroit où nous sommes était présenté comme un espace pour des bureaux, mais sur l’offre, rien n’interdisait d’en faire un restaurant. Il a simplement fallu investir un peu en travaux.
Au Japon, il est plus facile d’ouvrir un établissement en étage plutôt qu’en rez-de-chaussée avec terrasse. Nous avons ici deux terrasses. L’une sert de lieu de stockage. Pour la seconde, je me suis dit ce serait agréable d’y installer des tables pour prendre une bière en été. Connaissez-vous l’émission Sekai Fureai Machiaruki sur NHK ? Elle montre souvent des cafés sympathiques. Je rêvais que mon café soit comme l’un de ceux qu’on voit dans cette émission. Et parce que je voulais garder un souvenir de Ghibli dans mon établissement, j’ai demandé les coordonnées de l’agence d’architecte d’intérieur qui s’est occupée des bâtiments du studio. Ici, le comptoir est blanc, alors que celui de Ghibli qui est vert. Nous avons simplement copié sa forme. Voilà, c’est un peu notre œuvre.
L’idée de lieu d’exposition n’était donc pas présente à la base. Comment est-elle arrivée ?
Quand nous avons commencé, les clients ne venaient pas. Nous sommes au 4ᵉ étage et nous n’avions même pas fait de publicité. Nous avons réagi en fabricant un panneau pendant toute une nuit. Les amateurs font des choses terribles... Les premiers clients venaient en cherchant par eux-mêmes, puis le bouche à oreille sur Twitter a commencé à attirer petit à petit la clientèle.
Alors que nous étions toujours en difficulté, M. Kenichi Yoshida, un célèbre animateur sur la série Eureka Seven et ancien collaborateur du studio Ghibli, m’a proposé d’organiser une exposition tout en gardant le café fonctionnel. Nous avions bien songé auparavant à proposer une mini-galerie de tableaux sur les murs du café, mais nous n’avions jamais pensé à des expositions liée à l’animation. Nous avons aussi été conseillés par une personne très gentille du bureau d’informations pour commerçants du quartier qui nous a dit d’organiser quelque chose pour faire venir la clientèle. Comme j’étais une ancienne animatrice, elle m’a aussi conseillé d’organiser des expositions liées à l’animation. Cette personne et M. Yoshida sont vraiment nos bienfaiteurs.
Au final, cette première exposition a attiré énormément de monde. Nous n’avions plus de places assises. Tout le monde était debout. L’exposition était gratuite mais une consommation était demandée. Nous avons du nous organiser pour le service. Un jour, nous avons eu presque 500 personnes à servir. L’exposition a duré à peu près 2 semaines.
M. Arimura : Nous étions alors en plein été, l’ascenseur a surchauffé et est tombé en panne. Les clients ont ensuite été obligés de monter les 4 étages à pieds en pleine chaleur.
Avez-vous des clients qui viennent de pays étrangers ?
Ca dépend des expositions. Connaissez-vous le Fujoshi (NTD : ou Yaoi) ? Des gens qui aiment le BL (Boy’s Love) viennent de pays proches, par exemple de Taiwan, de Corée et de la Chine. Des européens passent également. J’étais étonnée de voir que des animateurs professionnels viennent aussi. Il y a eu, par exemple, un japonais parti ensuite travailler au Canada. M. Paul Williams, qui a travaillé sur La tortue rouge, passe lui aussi souvent.
Mme Tateno nous montre ensuite un recueil de dédicaces et de messages. Celui-ci est de M. Miyazaki qu’il m'a écrit quand il m’a offert un olivier pour l'ouverture du restaurant.
Elle cite après les noms en feuilletant les pages : Hiromasa Yonebayashi, Hideaki Anno et sa femme mangaka Moyoko, Masaaki Yuasa...
Merci beaucoup ! Pour conclure, voulez-vous lancer un message d’invitation à passer au Sasayuri Café ?
Aujourd’hui et pour toujours, j'espère cet endroit sera comme un salon où les gens qui aiment l'animation et les mangas se rassembleront pour prendre un thé, faire des rencontres et trouver de nouveaux amis. Si cet endroit est comme cela, j’en serai ravie. Bienvenue à vous !
Coordonnées du Sasayuri Café
Adresse | Tokyo 3-16-4, Nishiogi-kita, Suginami-ku Omino Building (4ᵉ étage) |
Téléphone | 03-6913-7615 |
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Site Web | sasayuricafe.com |
Page Facebook | sasayuricafe |
Compte Twitter | @sasayuricafe |
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