Mis à jour : jeudi 6 octobre 2022

Le château dans le ciel : Art et technique

La direction artistique

Hayao Miyazaki avait fait preuve dans Nausicaä de la Vallée du Vent d'un talent remarquable pour construire un monde imaginaire cohérent et détaillé. Il utilise de nouveau ce talent dans Le château dans le ciel en s'inspirant du rêve que l'homme a toujours eu de voler.

Nizô Yamamoto et Toshirô Nozaki aux décors.

La direction artistique du film trouve sa principale source d'inspiration dans le 19ᵉ siècle et la première révolution industrielle. Le générique d'ouverture représente ainsi une série de machines volantes extravagantes, et le reste du film nous offre une magnifique panoplie d'engins originaux et invraisemblables, mais pourtant réalisables. Pour les représenter, Miyazaki s'est principalement inspiré d'illustrations et de croquis du 19ᵉ siècle, tous plus imaginatifs les uns que les autres. Le royaume de Laputa lui-même ressemble à une combinaison idéale de science et de nature, évoquant irrésistiblement l'univers de Jules Verne ou Orson Welles.

Images du générique d'ouverture.

Les costumes rappellent les modes vestimentaires d'alors. De même, le village minier est typique des ces petits dortoirs industriels parsemant l'Europe du nord durant la première révolution industrielle. Il est directement inspiré de la vallée de Rhondda, dans le sud du Pays de Galles, où l'équipe du film s'est rendu pour étudier le design de l'industrie minière. Le Goliath, gros cuirassé dans lequel sont emmenés Pazu et Sheeta, et les trains gouvernementaux expriment la laideur du métal qui caractérisait les engins puissants du 19ᵉ siècle.

L'échelle utilisée pour figurer cette technologie industrielle est souvent impressionnante. La voie ferrée, les grands viaducs et les excavations de la cité minière, de même que la forteresse dans laquelle les enfants sont retenus, ont des dimensions et des profondeurs qui donnent le vertige. Ce sens du grandiose et de l'exagération contribue indubitablement au caractère épique de l'aventure.

Cité minière.

Vallée houillère.

Quant au royaume de Laputa, on ne peut être que fasciné par son incroyable amalgame de diverses architectures anciennes. Ses cercles concentriques de terrasses et de bassins reflètent le ciel ou parfois le révèlent à travers les trous dans les gros blocs de pierre. Ainsi, l'architecture de cette cité brouille les frontières entre le ciel et l'eau, jouant avec les formes et les substances, comme une gravure de M.C. Escher, ce maître de l'imagerie multidimensionnelle. Ce même niveau de précision dans le design est appliqué aussi bien aux conduites, valves et machines dans la mine qu'aux petits animaux, créant un éclat de mouvement dans la tranquillité surréaliste du domaine de Laputa.

Palais et jardins de Laputa.

Habitations de luxe avec balcons et ponts immergés dans l’eau.

En 2002, le musée Ghibli décide de faire le lien entre le monde des machines fantastiques qui ont été rêvées par le 19ᵉ siècle et le film Le château dans le ciel. Il propose alors l'exposition temporaire Laputa, le château dans le ciel et les machines de science-fiction imaginaires qui revient sur le formidable travail de design de Miyazaki et du studio Ghibli.

Les personnages

Le character design de Sheeta est caractéristique des héroïnes miyazakiennes, déjà annoncé par Nausicaä quelques années plus tôt. Le style simple et pourtant expressif développé par Hayao Miyazaki et Isao Takahata permet de traduire une large palette d'émotions. Mais ce visage, surtout, devenait déjà une représentation de l'héroïne type du réalisateur japonais : jeune, prévenante, attirante mais aussi courageuse, loyale et honnête.

Tsukasa Tannai, directeur de l’animation et character designer.

Yoshinori Kanada, superviseur de l'animation clé.

Pour d'autres personnages, Miyazaki s'est directement inspiré de ses proches. Ainsi, selon lui, les modèles des pirates sont en fait ses trois frères. De même, l'impétueuse Dora n'est que le reflet de la propre mère du réalisateur !

Michiyo Yasuda, responsable des couleurs des personnages sur le film.

On remarque également la tendance de Miyazaki à réutiliser des thèmes déjà connus. Pour le robot soldat, il met en scène ce qu'il avait créé pour son travail sur la seconde série TV Lupin III / Edgar de la cambriole. Les mouvements des robots de Laputa ne sont pas sans évoquer ceux du grand automate, le robot géant du Roi et l'oiseau (sorti en 1979), film français de Paul Grimault dont Miyazaki est un grand admirateur. Cependant, ce dernier, ne voit dans cette similitude qu'une influence indirecte. Selon le réalisateur, c'est le propre de la culture populaire qui retranscrit inconsciemment dans le langage d'aujourd'hui des idées d'autrefois.

Image extraite de l’épisode 155 de la seconde série TV Lupin III / Le grand automate du Roi et l'oiseau.

La musique

La bande originale créée par Joe Hisaishi reprend les traditions orchestrales de grands compositeurs comme Erich Wolfgang Korngold et Bernard Herrmann. Elle évoque à la fois le monde de la science-fiction et une vallée minière du sud de l'Angleterre. Elle offre un fond sonore dramatique parfaitement adapté aux moments de tension et d'excitation et des thèmes tendres et romantiques pour les scènes plus méditatives.

Le thème principal, magnifique et envoûtant, est décliné à plusieurs reprises. Pour cela, Hisaishi utilise une large gamme de ressources vocales et instrumentales, comme le magnifique chœur d'enfant reprenant le thème et s’interrompant brutalement lorsque Pazu et Sheeta prononce le charme destructeur.
Kimi wo Nosete, le générique de fin est quant à lui chanté par Azumi Inoue.

Comme pour Nausicaä, certains morceaux auraient mérité d'être joué par un grand orchestre. Il est donc intéressant de découvrir le travail du compositeur qui a entièrement réenregistré cette bande originale pour la nouvelle version américaine du film.