Arrietty, le petit monde des chapardeurs : Art et technique
Arrietty, le petit monde des chapardeurs n'est sans doute pas un film à comparer avec ceux de Hayao Miyazaki ou Isao Takahata. Le film n’a pas bénéficié du même confort en termes de temps de production, ni du même niveau d’exigence que les films dirigés par les réalisateurs vedettes du studio. C'est donc un film à rapprocher et surtout à comparer en termes d’ambitions techniques et artistiques à des titres comme Les contes de Terremer ou Le Royaume des chats. Ce nouveau film peut être vu également comme un moyen d’occuper la scène médiatique japonaise alors même que Hayao Miyazaki ne réalise pas. Mais il démontre aussi sa volonté de faire émerger de nouveaux talents capables de prendre la relève des deux fondateurs historiques du studio, mais tout cela à moindre coût...
L’animation
Selon le directeur de l’animation Akihiko Yamashita, le travail sur Arrietty fut difficile car ce n’est pas un film dynamique avec beaucoup d’actions. Il parle de la vie quotidienne. Les animateurs ont donc été très attentifs au dessin et au moindre détail afin de rendre crédibles les gestes du quotidien. Mais c'est un travail exigeant qui prend beaucoup de temps. Et si ce n’est pas bien fait, le spectateur le remarquera immédiatement.
Les directeurs de l'animation Megumi Kagawa et Akihiko Yamashita.
Pour Megumi Kagawa, également à la direction de l'animation, la difficulté sur le film, en termes d'animation, est que l’équipe a dû travailler beaucoup même si le personnage ne bouge pas. Il y a encore quelques années, un personnage statique n’était pas étrange pour le public. Mais avec l’habitude de l’animation numérique, si on se contente d’un dessin, cela ne passe pas.
Kagawa s’est occupée du personnage d’Arrietty et d’une manière générale des personnages au « physique agréable ». Yamashita s’est occupé des autres personnages. Notamment de Haru, la domestique. C’est le personnage sur lequel il a aimé le plus travailler, car il partage sa façon de penser. Haru est ce genre de personnage un peu spécial, pas forcément méchant, mais qui pimente les histoires. Yamashita est également très fier de la scène où Arrietty monte sur des plantes grimpantes le long d'un mur. C’est, d'après lui, une scène fantastique et l’une des plus représentatives du film du point de vue de l'animation.
De son côté, l'animateur Kenichi Yamada trouve très détaillé le travail effectué sur l'acting des chapardeurs et comment ils interagissent avec un environnement démesuré. Comme lorsque Pod, le père, escalade un mur et qu’il manque plusieurs fois de tomber et se rattrape. Ou lorsqu'il pleut, les gouttes ressemblent alors à des ballons. Ou encore quand Homily, la mère, fait du thé et que le liquide manque de déborder.
Les décors
Bien qu’il ne s’agisse pas de son travail, lorsqu'on interroge l'animateur Kenichi Yamada sur les points forts du film, ce sont les décors qu'il pointe en premier et trouve très réussis, notamment ceux dans l'univers des chapardeurs, sous le plancher de la maison.
Sur la production d'Arrietty, Hiromasa Yonebayashi a pu compter sur la grande expérience de ses deux directeurs artistiques, Yôji Takeshige et Noboru Yoshida. Takeshige est considéré comme l'un des meilleurs dessinateurs de décors dans le milieu de l'animation japonaise (on dit au Japon que ses décors sont plus beaux que la réalité elle-même). Le public japonais a été émerveillé par le champ de fleurs de Hauru dans Le château ambulant. En 2010, il a, en outre, gagné le prix de la meilleure direction artistique à la neuvième édition du Tokyo Anime Award pour son travail sur le film Summer Wars de Mamoru Hosoda. Le second directeur artistique, Noboru Yoshida, a notamment imprimé à Ponyo sur la falaise ce style de décor au rendu crayonné, si caractéristique des livres illustrés pour enfants.
En règle générale, une fois un décor finalisé, le réalisateur contrôle à chaque fois s'il lui convient ou non. Or, sur Arrietty, Yonebayashi leur a fait une confiance aveugle. « Comme ils ont une grande expérience de décorateur au studio, ils savent mieux que moi quel décor est meilleur », explique-t-il. J'avance donc sur mes tâches de réalisateur en écoutant les anciens. »
Quand on parle de sous-sol, on a l'impression que l'on parle d'un endroit humide où tout est moisi et rempli d'insectes. Mais Yonebayashi ne voulait pas de ces images pour le film. L’univers d'Arrietty n'est pas décrit de manière glauque. Ainsi, le réalisateur évoque les trouvailles des chapardeurs pour obtenir de la lumière : « Par exemple, pour avoir de la lumière, ils utilisent le verre des bouteilles pour la concentrer comme une lentille. Ils utilisent ensuite des feuille d'aluminium pour réfléchir cette lumière. Cette lumière arrive ensuite sur une fenêtre en trompe l'œil, comme si la clarté venait vraiment d'une fenêtre normale. Evidement, le soir ou quand il ne fait pas beau à l'extérieur, ils ont besoin de lumière artificielle. Pour cela, ils « empruntent » donc directement l'électricité aux être humains normaux. C'est comme cela que leur vie est organisée et qu'elle est gaie et agréable.»
L’ingénieux système d’Arrietty et sa famille pour rappeler les différentes périodes de la journée sous le plancher de la maison.
La musique
Comme c’est maintenant devenu la coutume lorsque que Hayao Miyazaki ne réalise pas, ce n’est donc pas Joe Hisaishi qui s’est chargé de la bande originale du film, mais la harpiste celtique et chanteuse française d’origine Bretonne, Cécile Corbel. Elle a coécrit la chanson thème du film et l’interprète également.
Cécile Corbel
Lors de la conférence de presse, Toshio Suzuki s’est aussi expliqué sur le choix de cette artiste française :
« Je reçois beaucoup de CD de partout à travers le monde qu’on me demande d’écouter. Ils sont trop nombreux pour que je puisse tous les écouter et généralement je les laisse sans même les ouvrir. Cependant, j’étais plutôt soucieux pour La chanson d'Arrietty et comme toujours un CD est arrivé. Comme emporté par un élan, j’ai ouvert le CD. Il y avait un morceau de papier avec un court texte écrit à la main, en anglais. Je ne suis pas bon dans cette langue, mais Cécile-san l’a écrit dans un anglais facile : « Ceci est mon nouvel album. Toutes ces chansons ont été influencées par les films du studio Ghibli. » Ces mots ont capté mon intérêt. En l’écoutant, j’ai d’abord entendu une harpe celtique puis sa voix a suivi. En un instant, j’ai pensé qu’elle pourrait décrire l’univers d’un « petit peuple ». Maro aussi a beaucoup aimé et nous lui avons demandé de nous rejoindre pour travailler avec nous. »
Pourquoi musique celtique et fantasy se marient-elles bien ? « La fantasy est basée sur la culture celtique », explique Hiromasa Yonebayashi. « L'œuvre dont est issue le film est née en Angleterre, terre où la culture celtique, et donc la fantasy, est profondément enracinée. La croyance dans l'existence d'êtres minuscules n'est pas liée au monde chrétien, car cette religion n'accepte pas d'autres formes intelligentes en dehors de l'être humain. Des histoires fondées sur le christianisme se marient très bien avec une musique jouée à l'orgue, ou accompagnée de cœurs, comme les chants grégoriens. En revanche une histoire avec des petits êtres fantastiques se mariera très bien avec la musique celtique, qui trouve déjà ses racines sur le continent européen. Demander la musique du film à Cécile Corbel est donc en ce sens quelque chose de très naturel. »