Mis à jour : lundi 12 septembre 2022

Le chat botté : Création du film

C’est dans la foulée de la déception commerciale de Horus, prince du soleil réalisé par Isao Takahata que Le chat botté est mis en chantier. La Tôei veut un film plus léger et plus simple d’accès pour le public. En 1968, Kimio Yabuki vient d’obtenir avec le film Andersen Monogatari (Les contes d’Andersen), produit par le même studio, le Prix de l'éducation de la jeunesse. C'est grâce à cette distinction que la Tôei lui confie le projet du Chat botté.

Alors que le film de Takahata se distinguait par une réalisation très directive, fortement exigeante et contraignante pour les animateurs, le réalisateur Yabuki a lui opté pour une approche ouverte et qui est en grande partie liée au succès de la création du film. Yabuki, même s’il avait une vision globale du film et a su en garder le contrôle pour présenter un film homogène, a laissé ses dessinateurs travailler en grande liberté, intervenant rarement sur le dessin lui-même. C’est cette liberté qui donne au film son côté divertissant.

Yasuji Mori, garant de la cohérence visuelle du film

Après avoir occupé le poste d’animateur clé sur le film précédant de Isao Takahata, Yasuji Mori occupe sur Le Chat botté le poste de directeur de l’animation. Sur ce nouveau projet, il entraîne notamment avec lui Yasuo Ôtsuka (qui se prépare à rejoindre le studio A production), Yôichi Kotabe et Hayao Miyazaki, leur promettant une sorte de récréation et plus d’autonomie.

Au Japon, c’est Mori qui le premier créa le poste de directeur de l'animation, en 1963, sur le film Wanpaku-ôji no Orochi-taiji (Le prince garnement terrasse la grande hydre) et qui devint un poste standard et continue de l’être de nos jours. Sur Le chat botté, c’est la seconde fois qu’il se retrouve à ce poste pour assurer la cohérence visuelle du film.

C’est après avoir lu le scénario qu’il se charge également de dessiner tous les personnages du film (alors que de nos jours, ce poste serait dédié à une tierce personne). Mori était dans son élément puisque son style se distingue particulièrement dans la création de petits animaux charmants, aux formes rondes et bien adapté à l’animation. Ainsi, même si tout le monde dessinait Péro, c’était toujours Mori qui le retouchait sur les dessins en dernier lieu.

Quelques décors particulièrement soignés du film.

Le storyboard, outil d’expression des dessinateurs

La direction de Kimio Yabuki laissait beaucoup de liberté aux dessinateurs. Le storyboard (le terme équivalent est l'e-konte au Japon) complet du Chat botté est justement un bon exemple de cette liberté puisqu’il a pour caractéristique d’être une compilation de storyboard dessinés par les principaux animateurs du film. C'est pourquoi la personnalité de Yasuji Mori, Yasuo Ôtsuka ou Hayao Miyazaki rejaillit très fortement dans certaines scènes du film.

Yabuki a tout d’abord dessiné un storyboard approximatif. Puis avec Mori, ils ont affecté les animateurs principaux à chaque séquence. C’est ainsi que ce storyboard grossier a été divisé et que Mori s’est occupé de la séquence musicale où Pierre et Pero partent sur les chemins ensembles en chantant et dansant. Ôtsuka a pris la séquence de transformation de Lucifer et se retrouve à animer à nouveau un dragon après celui de Le prince garnement terrasse la grande hydre.

Yôichi Kotabe, la séquence où Lucifer attend la princesse et Miyazaki a pris la séquence de poursuite finale. Une fois que toutes les séquences furent assignées, chaque animateur dessina un storyboard et c’est alors que Yabuki sélectionna ceux qu’il voulait garder pour en faire le storyboard final.

À cette époque, le scénario pour un film d’animation n’était pas une base fixe. Souvent, durant le processus de création, dessiner amène des idées nouvelles et intéressantes, ce qui apporte régulièrement des changements de script tout au long de la production. C'est ce qui s'est produit avec ce film. C’est par exemple à la conception du storyboard qu’il est apparu que l’un des trois chats exécuteurs serait un peu plus « à la traîne » que les deux autres.

Un succès... Et la fin d'une époque

Une qualité certaine d’animation et d’homogénéité dans les dessins avait été atteinte sur Horus, prince du soleil. Ce savoir-faire technique, recherché pour le film de Isao Takahata, s’est directement répercuté sur celui du Chat botté. Malheureusement, le film de Kimio Yabuki fut l’un des derniers films à gros budget de la Tôei. Avec Sora Tobu Yûreisen (Le vaisseau fantôme volant), en 1969, et le fort succès des séries TV animées au début des années 70, le studio abandonne la full animation (24 images/secondes théorique) pour l’animation limité (où on double, voire triple, les dessins pour une seconde d’animation) afin de répondre aux cadences de production élevées.

C'est peut-être cette qualité qui marqua les spectateurs japonais, car le succès du film dépassa toutes les espérances du studio et deux suites furent misent en chantier : Nagagutsu Sanjûshi (Les 3 mousquetaires bottés) de Tomoharu Katsumata, en 1972, et Nagagutsu wo Haita Neko : Hachijû Nichikan Sekai Isshû (Le chat botté - Le tour du monde en 80 jours) de Hiroshi Shidara, en 1976.
Autre preuve de ce succès, le chat Péro, comme Totoro a pu le devenir pour le studio Ghibli, devint l’emblème du studio et l’est encore aujourd’hui.