Aya et la sorcière : Création du téléfilm
Le projet
Aya et la sorcière est adapté du roman posthume de Diana Wynne Jones Earwig and the Witch, datant de 2011 aux éditions HarperCollins, et inédit en français. Avec Le château ambulant, c’est la seconde fois que le studio Ghibli adapte un texte de la romancière britannique.
Couverture du roman en version japonaise (illustration de Miho Satake).
Il s’agit du premier long métrage en 4 ans depuis La tortue rouge, première coproduction avec l’étranger du studio Ghibli, et en 6 ans, depuis Le vent se lève et l’annonce de la retraite de Hayao Miyazaki et de la fermeture de son département de production, pour un long en interne.
Le projet date de 2016 et malgré l’épidémie de Covid-19 qu’a traversé le monde en 2020, diffuser le film à la télévision au lieu des salles de cinéma a toujours été à l'esprit pour le studio avant même la pandémie.
« Le projet a débuté en 2016, lorsque le producteur Toshio Suzuki m'a donné le roman et demandé : « Qu’en penses-tu pour la suite ? », explique Gorô Miyazaki. « Il s’avère que j’avais déjà vu le livre déposé sur une table lors d’une réunion avec lui et Hayao Miyazaki. Et je m’étais dis que c’était peut-être là le prochain projet à venir. Je l’avais donc déjà lu et j’avais commencé à réfléchir pour en faire un film. »
Mais le producteur n’est que l’entremetteur sur ce projet. C’est Hayao Miyazaki qui découvre la dernière publication de Diana Wynne Jones en premier. Il tombe sous le charme de cette fillette qui se joue des adultes et décide d’approcher Suzuki avec l’idée d’en tirer un film aussi.
« À ce moment-là, Miya-san songeait déjà à Kimi-tachi wa Dô Ikiru ka (Comment vivez-vous ?) et se demandait lequel des deux projets choisir » raconte Toshio Suzuki. « Quand il m’a demandé mon avis, j'ai dit : « On va faire Kimi-tachi. Mais Aya, c’est intéressant aussi, c’est un projet qui convient à notre époque. » Et on a donc décidé de laisser Gorô-kun le faire. »
L’adaptation
Le film adapte le roman mais apporte quelques modifications par rapport à l'œuvre originale, publiée à titre posthume après la mort de Diana Wynne Jones. De nombreux détails du livre restaient moins développés au regard d'autres textes de l'auteur. Gorô Miyazaki s'est rendu compte plus tard que c'était lié aux circonstances entourant la publication du livre.
« Beaucoup d'œuvres de Diana Wynne Jones sont bien conçues, mais j'avais l'impression que Earwig and the Witch était moins dense, qu’il manquait des éléments pour en tirer un film complet. Comme je l'ai appris plus tard, ce texte était à l'origine un work in progress qu’elle comptait développer plus tard. La version du livre qui a été publiée était cette version, laissée telle qu'elle était avant sa mort. C’est donc un livre récent, mais j’ai appris qu’elle avait commencé à l’écrite il y a plus longtemps. »
Gorô Miyazaki a ainsi pu prendre certaines libertés avec le texte. Notamment de donner à l'histoire un cadre temporel plus spécifique et de changer certains aspects pour s'y adapter.
Aya a environ 10 ans. Placer l'histoire dans les années 1990 signifiait qu’elle était née dans les années 1980. Les années 90 permettaient aussi à Gorô Miyazaki de laisser Aya piégée dans la maison de sa famille adoptive sans moyens de communication contemporains, comme les smartphones, pour contacter le monde extérieur. La jeunesse de sa mère pouvait aussi remonter aux années 1970, lorsque le rock britannique était en vogue (période musicale qu’affectionne particulièrement Gorô), et ainsi en faire l’ancienne membre d'un groupe.
La production
Depuis fin novembre 2017, au détour d’un message du producteur Toshio Suzuki, on savait qu’un film 3D CG réalisé par le fils Miyazaki était en développement au studio Ghibli. Mais l’information est très peu relevée et passe quasiment inaperçue dans les médias, occultée par des nouvelles de la production du nouveau film de Miyazaki père, Kimi-tachi wa Dô Ikiru ka ?.
Le projet refait seulement parler de lui au début de l’année 2020. Le studio mentionne la production d’un second long métrage dans son message annuel du Nouvel An. Mais ce n’est vraiment que fin mai 2020 que le film commence à se dévoiler vraiment.
On apprend alors qu’il est produit par le producteur emblématique du studio Toshio Suzuki et que Hayao Miyazaki est annoncé à la planification. Le père et le fils reprennent leur poste respectif du long métrage La colline aux coquelicots. Et pour mémoire, la production du second film de Gorô Miyazaki avait été particulièrement houleuse.
Mais cette fois-ci, dans les propos rapportés de Gorô Miyazaki par la presse, tout indique que la production s’est passée de manière plus harmonieuse : « J'étais le seul parmi les gens de Ghibli à connaître cette méthode de création 3D CG, j'ai donc pu faire avancer le projet sans consulter personne. Hayao Miyazaki m'a dit d'aller de l'avant, et le producteur Toshio Suzuki m'a encouragé en me disant que cela semblait être une bonne idée. Mais après cela, j'ai été livré à moi-même. J'étais fondamentalement seul maître à bord. Alors, j'ai créé le film avec une équipe jeune et je n'ai pas du tout consulté la vieille garde. »
Et ses propos sont exacts, car à l’exception du fidèle Katsuya Kondô et de familiers de l’équipe du son, on retrouve peu de noms connus du studio Ghibli aux postes centraux dans l’équipe de production. Yukinori Nakamura, responsable de l’animation 3D, est lui un « rescapé » de la production compliquée du court métrage Boro la chenille.
Le titre du film n’est lui révélé que début juin 2020 et les premières images dévoilées quelques jours plus tard. L’accueil est très froid sur les réseaux sociaux et les premiers commentaires, à la suite de l’avant-première, contrastés. Manifestement, ce premier revirement full 3D du studio Ghibli passe très mal auprès des fans.
Le choix de la 3D
Tout au long de son existence, le studio Ghibli est resté comme l'un des derniers défenseurs de l'animation traditionnelle, refusant de céder à la 3D et aux tendances technologiques et esthétiques qui prédominent dans le reste de l'industrie de l’animation depuis la fin des années 1990. D’une manière générale, au Japon, les studios entreront plus lentement qu’ailleurs dans le monde dans le domaine de l'animation 3DCG, et ne comptent que des réussites récentes et tirées de franchises connues, comme les films Stand by Me Doraemon (2014) ou Lupin III: The First (2019).
Lorsque le projet d’adaptation du livre Earwig and the Witch commence en 2016, le choix de l'animation 3DCG n’était donc pas encore courant au Japon et restait toujours éclipsé par des productions en animation traditionnelle. Et pour Gorô Miyazaki, le studio Ghibli avait besoin de se lancer dans la création de quelque chose de nouveau.
« D’une certaine manière, l’animation 3DCG n'a pas fait son chemin dans l'industrie cinématographique au Japon et cela m'a déçu. De plus, le studio Ghibli était inexpérimenté dans ce domaine. Aussi, je pensais que je devais me saisir de l’occasion » explique le réalisateur. Ghibli est un studio que Toshio Suzuki a aidé à fonder pour produire les films de Hayao Miyazaki. Cependant, ces deux-là ne pourront pas continuer à le porter pour toujours. En y réfléchissant, je savais qu'il n'y avait pas d'avenir pour le studio si nous ne faisions que des copies des films du passé : des imitations bien faites, mais des copies quand même. Alors, j'ai pensé que je devais faire ce film en 3DCG. »
« Utiliser cette technique permet de décrire des personnages et des décors très réalistes. Mais créer un film d’animation photoréaliste n’était pas ce que je voulais faire. J’ai donc donné aux personnages un aspect qui ressemble à celui d’un film d’animation en volume, comme Kubo et l'armure magique (2016) du studio américain Laika. Prenons l’exemple des cheveux des personnages. Au lieu de les dessiner un à un, nous les avons créés en morceaux afin de reproduire le volume dessiné par Katsuya Kondô, leur créateur. »
La musique
La musique est composée par Satoshi Takebe, compositeur attitré de Gorô Miyazaki depuis La colline aux coquelicots.
Le générique est chanté par Sherina Munaf, chanteuse et actrice indonésienne de renom. Un groupe a spécialement été formé autour d’elle, composé du guitariste Hiroki Kamemoto (GLIM SPANKY), du bassiste Kiyomune Takano (Mrs. GREEN APPLE), de la batteuse Kavka Shishido, et du compositeur de la musique du film Satoshi Takebe au piano.
Le doublage
Pas d’habitués des doublages des œuvres du studio sur ce film.
Le rôle d’Aya est tenu la toute jeune actrice de 17 ans Kokoro Hirasawa : « J'espère que vous apprécierez Aya, qui est forte et joyeuse, un peu effrontée mais que vous ne pourrez pas détester ! Puisse-t-elle résonner avec votre kokoro (Ndt : « cœur » en japonais, mais aussi le prénom de l’actrice donc). »
Carrière internationale
Aya et la sorcière a fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes 2020. Mais en raison de la pandémie de Covid-19, le festival n'a pas eu lieu et les 56 films sélectionnés ont bénéficié à la place de l’obtention d'un label.
Le téléfilm a cependant fait partie de la programmation du Festival Lumière 2020 à Lyon et a été projeté en avant-première mondiale le 18 octobre 2020.
Au Japon, Aya et la sorcière, contre toute attente, aura ensuite droit à une sortie en salles le 29 avril 2021, avec de nouvelles scènes supplémentaires d’une durée totale de 30 secondes (seulement). C’est cette version que Wild Bunch ambitionne aussi de proposer en salles en France. Mais, repoussé à plusieurs reprises toujours en raison du Covid, c'est finalement Netflix qui proposera le long métrage à partir du 19 novembre 2021.