Kiki, la petite sorcière : Art et technique
Les couleurs
Doté d'un graphisme et d'une animation irréprochables, Kiki, la petite sorcière nous entraîne dans un cadre lumineux, et coloré, dans un univers d'un raffinement et d'une fraicheur confondante. Un monde où on aimerait vivre, en somme ! La palette de couleur du film (ci-contre, une partie les couleurs choisies par Michiyo Yasuda) est à prédominance estivale, le vert et le bleu étant les teintes les plus prononcées. Là où des tons plus sombres s'insinuent, la nuit bleue/violette pour le départ de Kiki, la forêt de pins autour de la cabane d'Ursula, et les cieux pluvieux accompagnant les vols les plus difficiles de Kiki, c'est pour remplir une fonction spécifique dans l'histoire : cristalliser les pressentiments de Kiki, que ce soit la délicieuse appréhension devant l'inconnu ou l'affreuse anticipation de la peur et de l'échec.
Les décors
En dépit de la réputation de Hayao Miyazaki en tant que défenseur passionné de la cause environnementale, celui-ci adore les villes et les met en scène magnifiquement dans ses œuvres. La ville de Koriko est aussi splendide et étincelante que la mer et les cieux bleus qui l'entourent. En préparation à la production du film, Sunao Katabuchi et les directeurs de l’animation se sont rendus en Suède pour prendre des photographies. La Suède a laissé une forte impression à Miyazaki depuis qu’il a accompagné Yutaka Fujioka, fondateur du studio Tokyo Movie, en 1971, dans sa tentative infructueuse d'acquérir les droits pour la série Fifi Brindacier. Lors de ce voyage, Katabuchi et son équipe ont pris 80 rouleaux de pellicules de Visby dans l'île suédoise de Gotland et de Stockholm.
La ville de Koriko, où Kiki s'installe, est imaginaire, mais intègre des éléments de nombreuses villes du monde entier. Naples, Paris, Lisbonne, Amsterdam, Saint-Tropez, et même San Francisco ont été avancées par ceux qui croient reconnaître leur coin de rue favori dans une des scènes du film. Mais Stockholm reste la principale inspiration. Le film rappelle Le château de Cagliostro et annonce Porco Rosso dans son évocation des étés parfaits d'une Europe romantique idéalisée. Koriko possède de grands squares et parcs, des bâtiments publics majestueux, des petites ruelles fascinantes, des quartiers résidentiels calmes et des banlieues verdoyantes autour de la ville. Bref, l'Europe qu'il n'y a jamais eu mais qui aurait dû exister !
Ah, Paris Koriko ! Ses terrasses de café, son glacier Berthillon...
Difficile également de situer l'époque et l'avancement technologique dans Kiki, la petite sorcière. Miyazaki dit avoir placé l'histoire dans une version mythifiée des années 50, dans laquelle la Seconde Guerre mondiale n'aurait pas eu lieu. Mais l'architecture dans Koriko inclut des blocs de tours des années 60-70, des villas de style 18ᵉ siècle dans lesquelles des vieux fours à pain côtoient des fours électriques. Les voitures rappellent celles des années 40, la télévision est en noir et blanc. Miyazaki remet en outre au goût du jour le dirigeable, qui a brutalement disparu de nos cieux à nous après l'accident de l'Hindenberg en 1934. Enfin, les boutiques élégantes et distinguées ressemblent à celles que l'on peut trouver dans les vieux quartiers chics mais quelque peu démodés !
La bande-son
Joe Hisaishi nous gratifie d'une bande originale belle et variée, mélange de thèmes orchestraux, abandonnant définitivement le synthétiseur. L'ensemble est très harmonieux avec des consonances un peu italiennes, mais peut-être moins original que les précédentes créations. Les chansons des génériques de début et de fin Rûju no Dengon (Message en rouge) et Yasashisa ni Tsutsumareta Nara (Si tu m'avais enveloppé de ta tendresse) sont des oldies des années 60-70 écrites et chantées par Yumi Arai. Connue sous le surnom affectueux de Yuming, elle était une des chanteuses/compositrices les plus appréciées à l'époque.
Le casting japonais du film est, comme à son habitude, de grande qualité, avec une mention particulière pour la voix de Jiji (Rei Sakuma) totalement irrésistible.