Totoro dédicaces : février 2004
Nathalie Bodin

L'auteur :

Nathalie Bodin est née à Angers en 1973. Après son Bac Arts plastiques, elle suit les cours de communication des Beaux-Arts d'Angers, et aspire déjà à l'époque à dessiner pour les enfants. En 1996, elle est nominée au concours d'auteur-illustrateur d'Hasselt, en Belgique. Un an plus tard elle croise la route de Yoann à l'atelier angevin, La Boîte qui fait Beuh.Celui-ci la persuade d'exploiter ses talents graphiques en se lançant dans la BD. Elle dessine alors son premier album, Gus le Menteur sur un scénario d'Éric Omond (déjà scénariste de Toto l'Ornithorynque) qui paraît en 1999 aux éditions Delcourt. Nathalie Bodin se lance ensuite en solo avec Ourachima le Brave, un conte aux couleurs pastelles et aux accents orientaux, paru en 2002, également chez Delcourt. En matière de bande dessinée, les auteurs qu'elle affectionne sont Plessix, Loisel et Prado. Quel bon goût !

Skellafé :

  • Gus le menteur, scénario d'Eric Omond, Delcourt, 1999
  • Ourachima le brave, Delcourt, 2002

La rencontre :

Pendant toute la semaine qui suit ma rencontre avec Philippe Sternis, je lis et relis le nom des auteurs qui seront présents à son festival, pour déterminer qui je peux aller embêter avec ma lubie totoresque. Il faut que j'aime le travail de la personne évidemment, mais aussi, gland sur le camphrier, j'apprécie lorsque je sens des connections possibles entre la bd que je veux faire dédicacer, et l'univers de Miyazaki. C'est pas systématique mais j'aime bien quand ça arrive. Et là, coup de chance ! En effet, en furetant dans une librairie Versaillaise, je découvre Ourachima le brave, de Nathalie Bodin. Un album très coloré avec de splendides planches en couleurs directes. Après avoir lu quelques pages, je découvre la protagoniste de l'histoire qui porte le prénom de Satsuki, comme la grande sœur de Mei dans Mon voisin Totoro ! Ni une ni deux, (ni trois ou quatre d'ailleurs, c'est nul comme expression...) je me procure la bd et rentre heureux dans les transports en communs. Oui heureux ! Si si, je vous jure, il a bien existé une personne heureuse dans les transports en commun à Paris...

Samedi 11 octobre 2003. J'arrive dès le matin au festival de Melun, avec mon ami Mathieu fraîchement débarqué de Burdigala. Il s'y connaît probablement autant en bande dessinée que moi en bifidus actif, mais par amitié, il accepte de m'accompagner. Très vite, on comprend que l'on est arrivé beaucoup trop tôt, car si le hall est ouvert, il n'y a encore aucun auteur présent. Du coup, on s'installe dans la file d'attente de Vallès car je veux me faire dédicacer Les Maîtres de l'orge, la célèbre BD cosignée Jean Van Hamme. En attendant, on fait passer le temps en jouant à une espèce de Shifumi improvisé, à base de kaméhaméha, de kikoho et de Makankosapo. C'est quand même plus sympa qu'un « pierre-ciseau-feuille » classique...

Peu à peu, les locaux se remplissent et je confie donc la super mission à Mathieu d'aller voir André Geerts pour qu'il me dédicace un Jojo. Cette BD est un véritable petit bijou de poésie et de tendresse, et j'ai toujours pensé que dans une république idéale, elle devrait être remboursée par la sécurité sociale. Mathieu accepte cette mission, et ce n'est donc pas cette fois-ci que j'aurai chance de rencontrer moi-même ce fabuleux auteur... Cependant, comme le but est aussi de rester le moins longtemps possible au festival pour ne pas trop embêter mon pote, je n'ai pas vraiment le choix. Je dois déléguer, même si ça ne me plait pas beaucoup, car cela signifie privilégier l'obtention de la dédicace à tout prix, au détriment de la rencontre humaine. Bref, tout le contraire de ma démarche...

Quoi qu'il en soit, Mathieu reviendra avec ce joli dessin :

Je me suis retrouvé dans le même état que Jojo en recevant cette jolie dédicace : )

De mon côté, je rencontre Francis Vallès, et comme j'ai coutume de le faire, je lui expose mon envie :
- ... si vous pouviez me faire un petit totoro avec Margritt...
- Un quoi ?!
- Euh, un totoro... Vous ne connaissez pas ?
Hé bien non, il ne connaît pas. Mais tout le monde ne peut pas connaître Totoro ! A bien y réfléchir, il est encore relativement méconnu du grand public après tout, car le film n'a jamais bénéficié de la promotion faite autour de Mononoke, Laputa ou Chihiro. Ce n'est donc pas si surprenant. Mais à la gauche de Vallès, une dame s'indigne.
- Quoi ?! Tu ne connais pas Mon voisin Totoro ?! Mais il faut à tout prix que tu regardes ce film, c'est une vraie merveille.
Cette femme, c'est Marie-Paule Alluard, l'une des coloristes les plus réputées du 9e art ! Elle explique à Vallès qu'il s'agit là d'un très beau dessin animé, très poétique. Pour illustrer son propos, je sors de mon sac à dos le art book que Tonkam avait fait paraître il y a quelques années.
- Vous voyez, c'est ça un totoro. Il y'en a un petit, un moyen et un gros. Alors, z'êtes d'accord pour m'en dessiner un ?
- Oui oui, bien sûr.
Je suis son premier totoro et aussi son premier Maîtres de l'orge en format intégrale de poche. Le papier est bon marché et l'inquiétude me gagne quant à la mise en couleur de Madame Alluard. Va-t-elle parvenir à mettre la couleur sur du papier qui boit l'encre et la peinture ?!! Va-t-elle pouvoir donner la pleine mesure de son talent sur du papier tout juste bon à dépanner en cas de pénurie water closienne ?!! Le suspens est insoutenable mais le dénouement est en ma faveur. Jugez plutôt :

Qui veut prendre la place du chibi totoro ?

Poli-gentil-ravi, je remercie les deux auteurs et m'en retourne errer dans le festival en fredonnant. « Auprès de ma blonde, qu'il fait bon, fait bon, fait bon... ».

Je n'ai maintenant plus qu'à trouver Nathalie Bodin, l'auteur pour lequel je suis venu jusqu'à Melun. Hasard de vie, elle se trouve juste à côté de Philippe Sternis, l'organisateur du festival rencontré la semaine précédente, à Buc. Pendant que je m'installe, nos regards se croisent mais il ne semble pas me reconnaître. Je suis assez surpris de constater la longueur de la file de personnes qui attendent devant lui, c'est une vraie star en fait cet homme-là...
Je salue mademoiselle Bodin et lui donne ma BD. Ce qui me frappe en premier (aïeuh), c'est qu'elle est d'une extrême douceur, aussi bien dans ses gestes que dans sa façon de parler. Et lorsque j'évoque Totoro, ses yeux s'illuminent. Elle m'explique qu'elle aime toute l'œuvre de Miyazaki mais qu'elle a un penchant particulier pour ce personnage là. Elle est donc ravie de dessiner sa Satsuki avec un totoro. Et moi donc ?...
Je lui propose de feuilleter l'art book pour qu'elle s'imprègne bien du personnage avant de le dessiner, et je suis assez amusé de la voir découvrir ce livre. Comme une enfant, elle s'émerveille littéralement à chaque page tournée.
- On le trouve encore ce livre ?
Je lui explique qu'il est épuisé chez l'éditeur et que le seul moyen de le trouver est encore de tomber sur un exemplaire d'occasion. Elle paraît déçue mais se lance dans le dessin.
Comme il n'y a encore personne qui attend derrière moi, elle m'annonce qu'elle va me faire un joli dessin. J'espère que tu n'es pas pressé, me demande t-elle. « Oh ben non ! » Y a bien Mathieu qui m'attend, mais dans un cas pareil, je serais capable de renoncer à un rendez-vous galant avec Monica Bellucci, alors Mathieu...
Elle en est encore au stade du crayonné lorsque Philippe Sternis passe derrière elle. Il regarde le dessin de Totoro, puis me regarde moi et s'exclame :
- Ah mais c'est toi !!! Je te reconnais. C'est toi le gars aux totoros ?!!
- Mais euh je...
- Mais on va t'interdire de festival toi !!! Et on drague les jolies filles en plus ?! Non mais elle est belle la jeunesse tiens...
Il va sans dire, que tous les gens regroupés aux alentours se retournèrent alors comme un seul homme pour apercevoir la cible des quolibets de monsieur bougon. Et la cible, malheureusement, c'était moi... Il faut savoir que j'ai un léger problème de mal-être dès que je suis mis en avant, ou que je me sens exposé devant un important groupe de personnes. Un problème de timidité qui depuis toujours, m'a posé quelques menus problèmes, que ce soit dans ma scolarité (Argh les exposés !), ou dans ma vie sociale (Argh, tous ces gens!). Alors là évidemment je suis pas à la fête.
- BRRRRRROOOOOOOOOOAAAAAAARRRRRRRRRR !!!!!!!!!
Le voici maintenant en pleine imitation du cri du totoro. Non mais je vous jure!... Ce qui est le plus amusant dans ce brouhaha sans nom, c'est que Nathalie Bodin, elle, reste imperturbable et continue son dessin. Sternis s'en aperçoit et lui suggère de m'envoyer bouler.
- Grumble, lui fais pas son dessin si tu veux pas !
La réponse de la dessinatrice est sans appel :
- Mais moi j'aime bien dessiner des ti totoros !!!
Elle dit ça d'une voix de petite fille qu'on embête, un peu boudeuse, et je trouve ça trop mignon. L'énergumène Sternis est vaincu et s'en retourne à sa place où la « horde sauvage » l'attend pour obtenir un dessin.
Nathalie continue le dessin avec un feutre couleur terre de Sienne, et s'excuse au moins 3 fois d'être lente. Ce qu'elle ne comprend pas, c'est que même si elle mettait 6 jours pour donner naissance à un totoro, je serai toujours le plus heureux des hommes !
- Papa, papa, regarde ce qu'elle dessine la dame.
- Oui, c'est un totoro, Zorglub (je ne me souviens plus du nom du gamin alors j'ai mis Zorglub. C'est joli Zorglub, non ?).
- Wah, ça veut dire que c'est elle qu'a fait Totoro ?
- Non, Zorglub, c'est le monsieur qui lui a demandé d'en dessiner un.
- Pourquoi il lui a demandé un totoro si c'est pas elle qui fait Totoro, papa ?...
J'échange un sourire avec le père qui tient Gus le menteur d'une main, et Zorglub le questionneur de l'autre.
- Il a l'air de bien connaître Totoro votre fils.
- Oui, c'est un dessin animé qu'il aime beaucoup, hein Zorglub ?
- Wé, les Chatbus c'est trop bien, quand ça court ça fait foussshhhhhh...
Le gosse me fait rire et je me dis que c'est une journée super sympa. En fait, je n'ai croisé que des gens sympathiques et souriants et je me demande où sont passés les grizmines qui peuplent notre quotidien. Ce jour-là, ils ne sont pas à Melun en tout cas...
Pendant qu'elle termine la dédicace, entre chacune de ses excuses (« désolée, je suis lente »), nous parlons un peu de choses et d'autres : son parcours artistique, sa rencontre avec Yoann et Omond, Delcourt...
Et pis c'est fini et le résultat m'enchante...

La dédicace :

Comment il est trop joli ce totoro !!!!

C'est le plus beau dessin que l'on m'ait fait ! Même aujourd'hui où la galerie totoresque s'est largement étoffée, j'ai toujours le même amour pour celui-ci.
Je la remercie chaleureusement et prend congé d'elle pour retrouver Mathieu afin de reprendre la route. Il est environ 16h30, et dans le train du retour, je me fais la promesse d'offrir à Nathalie Bodin le artbook de Mon voisin Totoro lors de notre prochaine rencontre...
Y a quelqu'un pour m'en vendre un ?!