Et si l'annonce de la restructuration du studio Ghibli n’était pas vraiment une surprise ?
Et si, l'annonce, dimanche dernier, de ce que l'on peut dorénavant simplement appeler une restructuration (et non, comme beaucoup l'ont annoncé, une fermeture) du studio Ghibli, n'était pas vraiment une surprise ?
En effet, dès le début du mois de juin 2014, l'ancien producteur Toshio Suzuki avait déjà abordé l'avenir du studio Ghibli dans son émission radio Suzuki Toshio no Ghibli Asemamire (Ghibli, à la sueur de mon front). Ses propos sont, semble t-il, passés inaperçus au Japon, et donc encore plus dans le reste du monde. Voici quelques morceaux choisis de ce qu'il y dévoilait, bien en avance, de l'avenir du studio Ghibli.
Jusqu'à présent, vous disiez que le studio Ghibli était une petite usine familiale. L'emploi était assuré par des CDI, contrairement à Disney, par exemple. D'après vous, ce n'était finalement pas un bon choix ?
Toshio Suzuki : Le studio Ghibli existe depuis 30 ans et nous avons commencé à engager en fixe au bout de 10 ans. Cela fait 20 ans que ce système existe. C'est donc quand même une réussite. On a formé les gens, et il y a maintenant des animateurs qui sont sortis de chez nous et qui ont rencontré le succès par la suite.
Donc, à partir de maintenant Ghibli n'engage plus ?
Toshio Suzuki : Non, c'est fini. Nous allons changer notre façon de créer des films après Omoide no Marnie (Souvenirs de Marnie). Ce dernier a été créé par le staff de Ghibli, mais aussi par des freelances (notamment des animateurs du studio Khara, fondé par Hideaki Anno), tous incroyablement talentueux. Plus tard, si quelqu'un déclare qu'il veut faire un film chez nous, nous pourrons avoir recours au staff externe qui a déjà travaillé sur Marnie et Le conte de la princesse Kaguya. Avec Yoshiaki Nishimura à la production ce sera possible. D'ailleurs nous en avons déjà parlé ensemble. De plus, on a découvert Maro (Hiromasa Yonebayashi), qui a du talent, vraiment presque par hasard.
A vrai dire, au regard de mon expérience de chef d'entreprise, ce n'est pas si compliqué d'engager du monde et de faire croitre une société en faisant des affaires. Si on le souhaite, c'est tout à fait faisable. Mais en faisant cela, on risque de s'éparpiller et ne pas mettre toutes nos forces dans la création du film. C'est pour cela qu'on a fixé des limites. Par exemple, pour le merchandising, la limite est de 10 milliards de yens (environ 70 millions d'euros). Si on le souhaitait vraiment, il y a des sociétés qui nous ont proposé leur collaboration et qui pouvaient nous aider à gagner 10 fois plus. Mais nous avons refusé. Si on fait cela, on rentre vraiment dans le monde du business. Mais notre souhait à nous, est de rester dans le monde du cinéma. J'ai fortement insisté auprès du département merchandising de Ghibli pour ne pas dépasser cette somme symbolique. Les sorties en salles, les diffusions TV, l'édition de livres, le merchandising, et pourquoi pas les parcs d'attraction, sont autant de rentrées d'argent pour un studio. Mais nous ne voulons pas ça, parce que le studio Ghibli est avant tout un studio de cinéma.
Avec l'annonce de la retraite de Hayao Miyazaki, le style du studio va peut-être changer ?
Toshio Suzuki : Oui, ça va changer. Chez Ghibli, on fait de bons films, mais avant tout grâce au talent de Miyazaki. Donc, s'il prend sa retraite, on est obligé d'évoluer.
Mais vous avez quand même d'autres collaborateurs de valeur actuellement. Et avec ça, vous ne voulez pas faire d'autres films ?
Toshio Suzuki : Ca serait possible. Mais malgré tout, c'est le réalisateur qui est important.
Rien après Marnie ?
Toshio Suzuki : Pour le moment, on ne sait pas, car personne ne sait si le film aura du succès ou non. Ghibli est avant tout une société qui produit un film puis le sort en salles. Si le film a du succès, nous en faisons un autre. Le succès du film oriente fortement la direction que va prendre la société à chaque fois. Les résultats de Marnie seront importants pour la suite. Pour l'instant, je ne peux rien dire car le film n'est pas encore en salles. L'accueil du public et les résultats vont conditionner la mise en chantier d'un nouveau film ou non. Si les résultats sont bons, on fera peut-être un autre film immédiatement. Si c'est le contraire, peut-être qu'on attendra un peu.
A l'avenir, Miyazaki et Takahata ne réaliseront plus de films. Il existe cependant des collaborateurs prometteurs au sein du studio, mais on ne peut pas se permettre d'attendre qu'ils s'améliorent encore. Les gens talentueux ont du talent très tôt. Ils sont talentueux ou pas. Et si Maro a du talent, en tout cas, ça ne sera pas moi qui continuerai l'aventure avec lui.
Avec nos deux derniers longs métrages, je voulais que Miyazaki et Takahata réalisent chacun le film qui leur plaisait. Pour cela, j'ai réservé du temps et de l'argent. Je ne veux pas parler de chiffres, mais on a investi 10 milliards de yens pour ces 2 films, ce qui est exceptionnel. Tout le monde était contre. Maintenant, nous sommes quittes. Ils ont fait des efforts pour créer leurs films et j'ai fait des efforts pour leur en donner les moyens. J'imagine que Miyazaki et Takahata ont mis tout ce qu'ils avaient en eux dans ces deux derniers films. Et si après ça, ils ont encore des reproches à me faire, je leur dirai : « ça suffit comme ça ».
Source : Youtube.com
Merci à Yasuka pour sa traduction !
Et merci à Tsk06/Tanpopo pour avoir insisté afin que nous tendions une oreille attentive à cet enregistrement.