Pourquoi Mamoru Hosoda n'a pas réalisé Le château ambulant ?
Récemment, lors de l'excellente émission Professional - Shigoto no Ryûgi de la chaîne NHK, consacrée à la production de son dernier film, Bakemono no Ko (The Boy and the Beast), Mamoru Hosoda est revenu sur son parcours professionnel dans le milieu de l'animation et les circonstances de son éviction de la réalisation du Château ambulant pour le studio Ghibli.
Voici une traduction de cette partie de l'émission.
Son père absent, Mamoru Hosoda est élevé par sa mère. Enfant, il a beaucoup de difficulté a s'exprimer par lui-même, complexé par un bégaiement (il l'est encore un peu), et se retrouve, à cause de cela, en classe spéciale. Un jour, sa mère l'emmène voir Le château de Cagliostro de Hayao Miyazaki. Il sort bouleversé par le film et caresse dès lors le rêve de devenir lui aussi réalisateur dans le futur.
Ses études universitaires achevées, il présente sa candidature pour rejoindre la structure de formation du studio Ghibli, mais il est refusé.
Dans l'émission, Hosoda montre alors à la caméra ce qu'il considère comme son « trésor », qu'il garde précieusement chez lui : cette fameuse lettre de refus du studio Ghibli. Pourtant, quand il a reçu cette lettre, son premier réflexe a été de rouler en boule cette lettre type (néanmoins signée par Miyazaki lui-même), se terminant sur des encouragements et l'invitant à persévérer...
A cette époque, il ne pensait pas recroiser la route de Miyazaki et encore moins celle du studio Ghibli.
Mais il lui est impossible d'oublier son rêve de réalisation de long métrage d'animation. Il rejoint donc la Toei. Pendant 9 ans, il travaille pour être reconnu. C'est un court métrage pour la série Dejimon Adobenchâ (Digimon Adventure), qu'il réalise, qui attire finalement l'attention sur lui. C'est alors qu'il reçoit un coup de fil inattendu de Ghibli lui proposant la réalisation d'un long métrage en préparation : Le château ambulant.
Emu, mais plutôt sûr de lui, il se présente au studio Ghibli et commence à travailler sur le storyboard du film. Mais le roman éponyme est complexe à adapter. Il a du mal à jeter les prémices du script. Et il fait l'erreur de ne demander à personne de l'aider.
« J'avais une confiance en moi-même un peu excessive. En y réfléchissant maintenant, je pouvais peut-être demander des conseils à Hayao Miyazaki ou Isao Takahata. Mais je souhaitais peut-être aussi ne pas trop être dirigé par eux. »
Il est de plus en plus seul, renfermé sur lui-même. 8 mois plus tard, le storyboard n'a pas avancé et il se retrouve dos au mur. Le producteur de l'époque le convoque et lui dit : « Hosoda-kun, on ne peut pas continuer comme ça ». C'était le 21 avril 2002.
« Vous vous souvenez bien de ce jour là ? »
- Oui, je me disais qu'il me serait maintenait impossible de regagner la confiance de quiconque en tant que réalisateur.
En effet, ses difficultés ne sont pas terminées. Il retourne à la Toei où ses projets sont tous refusés. Dans le milieu de l'animation, on commençait à entendre : « Hosoda est fini. »
Sa mère, son soutien principal, tombe malade. Il hésite alors à rentrer dans sa région natale pour s'occuper d'elle ou persévérer dans le milieu de l'animation. Il choisit finalement de rester fidèle à son rêve d'enfant : tout en pensant à sa mère, il continue de travailler sur des séries TV et de développer en parallèle des projets, sans toutefois avoir l'espoir qu'ils se concrétisent.
Finalement, au bout de 3 ans, le producteur Masao Maruyama (studio Madhouse) séduit par la qualité de l'épisode 40 de la série Ojamajo Doremi (Magical DoReMi) lui propose la réalisation d'un projet de long métrage : Toki wo Kakeru Shôjo (La traversée du temps).
Surpris par cette proposition, Hosoda décide de tenter le tout pour le tout pour se consacrer à ce projet. Il quitte la Toei, pour laquelle il a travaillé pendant 14 ans, ne souhaitant pas entendre parler de « plan B » en cas d'échec de ce nouveau projet. Ce n'est plus le même Hosoda qui aborde ce nouveau long métrage. Cette fois-ci, il saura demander l'avis de ses collaborateurs sans orgueil mal placé.
La suite est maintenant plus connue et son dernier film, Bakemono no Ko, est sorti le 11 juillet en salles japonaises. Il est attendu le 13 janvier 2016 en france.
Mamoru Hosoda avoue aussi que l'attente du public japonais n'a jamais été aussi forte pour l'un de ses films, surtout depuis l'annonce de la retraite à la réalisation de longs métrages d'un certain Hayao Miyazaki...
Source : vidéo du documentaire
Traduction : Yasuka Takeda
Merci à Tsk06 pour le lien !