Mis à jour : vendredi 7 octobre 2022

Pompoko : Références culturelles

Dans Pompoko, l'imagination généreuse et l'esprit de référence de Isao Takahata sont mis au service d'un spectaculaire tour d'horizon du patrimoine culturel dit « populaire » de son pays. Nous citons ici quelques références parmi les plus connues.

Les tanuki

Le tanuki est un animal natif d'Asie (principalement répandu en Chine, en Corée et au Japon). Il s’agit d’un mammifère omnivore de taille moyenne, appartenant à la famille des canidés, dont il est le seul représentant hibernant (en fait, il tombe en hiver dans un sommeil profond, sans véritablement hiberner). Son nom scientifique est Nyctereutes procyonoides mais, plus vulgairement, il est appelé « chien viverrin » en français et Raccoon Dog en anglais. L'animal étant inconnu en France, les traducteurs transforment souvent le tanuki en animal d'apparence physique proche. Mais ce n'est ni un blaireau ni une variété de raton laveur.

Mythes et folklores autour du tanuki

« Pompoko » est le son que les tanuki font quand ils frappent sur leur ventre, comme ils le font à la fête sur le terrain de golf dans la dernière scène. Dans une chanson pour enfant très connue, Shôjôji no Tanuki-bayashi, les tanuki tapent sur leur ventres, en chantant une chanson au clair de lune. Le refrain de la chanson dit : « Pom Poko Pom no Pom ! »

Les mythes et folklores japonais mettant en scène des tanuki sont légions. On lui attribue de nouveaux pouvoirs : ils peuvent ainsi à l'instar du renard, changer de forme à volonté, ainsi que transformer les objets qui les entourent. Ainsi ils aiment jouer des tours aux hommes. Par exemple, ils se transforment en humain et achètent du saké avec des feuilles qu'ils ont transformées en billets, monnaie qui retrouve son état normal après le départ du tanuki. Les tours sont la plupart du temps inoffensifs (mais provoquent souvent en retour de sévères représailles de la part des humains !), d'autres sont plus cruels.

Malgré cela, les tanuki restent pour les japonais des animaux sympathiques et sont même considérés comme des porte-bonheur. Les commerces japonais placent d'ailleurs souvent une statuette à l'extérieur de leur boutique : le tanuki y est toujours caractérisé par d'énormes testicules (Golden Balls, synonymes de prospérité), une coiffe sur la tête et une bouteille de saké à la main.

Au Japon, on croit que les tanuki mettent une feuille sur leur tête et chantent pour se transformer mais dans Pompoko, la vieille Oroku dément : « C'est réservé aux débutants ! » Si vous avez déjà joué à Super Mario Bros. 3, quand Mario attrape une feuille, lui poussent des oreilles pointues et la queue d'un tanuki. Cela provient de l'association que l'on fait entre les feuilles et les tanuki.

Les références folkloriques présentées dans Pompoko sont parfois assez bien connues. L'une d'elles est le Bunbuku Chagama (La bouilloire magique), un conte dans lequel un tanuki se change en bouilloire (et bien sûr, il a été mis au feu). Chagama (bouilloire) est l'ustensile rond et sombre dans lequel les tanuki essaient de se transformer quand ils s'entraînent.

Une autre référence est le conte Kachi Kachi Yama, qui est plutôt cruel. Dans celui-ci, un tanuki tua une vieille femme et le mari de cette dernière se vengea de cette mort avec l'aide d'un lapin. Ce qui conduisit le tanuki à sa perte est la fabrication et l'embarcation sur un bateau fait de boue. Le bateau coula, bien sûr et le tanuki se noya. Dans Pompoko, le chant des tanuki de Shikoku, « Notre vaisseau n'est pas fait de boue », vient de là.

Enfin, certains tanuki puissants sont très connus au point d'être parfois comparés à des dieux. Les vieux tanuki de Shikoku sont ces tanuki historiquement célèbres.

Au Japon, on croit que les renards, aussi bien que les vieux chats, ont des pouvoirs magiques comme les tanuki. Dans le mandala utilisé pour instruire les jeunes tanuki, on peut voir un tanuki, un kitsune (renard) et un neko (chat). Les kitsune sont aussi considérés comme les messagers du dieu Inari dans les croyances Shintô. Dans le film, un tanuki se transforme en renard blanc et marque les esprits des gens qui sont venus bouger un temple shintô pour développer la zone.

On trouve pêle-mêle dans le mandala de la métamorphose imaginé par Isao Takahata : tanuki, kitsune et neko, bien sûr, mais aussi caméléons, papillons et poissons variés, tous plus ou moins métamorphes. Les caractères yin et yang de la périphérie introduisent les deux caractères de la transformation, qui mènent au caractère central, gen (illusion).

Le tanuki dans l'animation

Le tanuki n'est pas nouveau dans le monde de l'animation : il suffit de penser au petit percussionniste du film Gauche le violoncelliste (1982), une autre œuvre d’Isao Takahata, au couple de tanuki dans une scène de la série Maison Ikkoku (1986), ou encore la statue interviewée dans les premières minutes du film Lamu, Beautiful Dreamer (1985). Mais la présence de cet animal dans l'animation japonaise remonte à bien plus loin. Il faut dire que le tanuki est l'animal rêvé de l'animateur : transformable à volonté, il autorise tous les délires. De plus, mignon, maladroit et farceur, il est le personnage idéal d'histoires amusantes et riches en péripéties.

Gauche le violoncelliste d’Isao Takahata.

Les courts métrages La bouilloire magique (1928) de Yasushi Murata, Le renard contre les ratons (1933) de Ikuo Ôishi, Les bonzes mélomanes (Chagama Ondo, 1934) de Kenzô Masaoka ou encore La chasse aux monstres (1935) de Yoshitarô Kataoka comptent parmi les premières œuvres mettant en scène des tanuki. Dès La bouilloire magique (Bunbuku Chagama), réalisé en papier découpé avec une grande économie de moyens, le tanuki voit ses transformations exploitées à des fins humoristiques. Transformable en bouilloire, le raton va causer les pires catastrophes et terrifier les humains. Avec l'introduction du cellulo au Japon, les transformations du tanuki se font multiples et plus réalistes. Kenzô Masaoka, qui fut précisément le premier à expérimenter cette technique, comprit parfaitement le potentiel du tanuki en terme d'animation.

La bouilloire magique de Yasushi Murata.

Les bonzes mélomanes de Kenzô Masaoka.

Quand Takahata réalise Pompoko, c'est consciemment qu'il s'inscrit dans la tradition. Le réalisateur, qui a une connaissance remarquable des premières heures de l'animation japonaise, rend ainsi hommage à tous ces vieux courts métrages. Outre la reprise des différents modes de représentation des tanuki, aperçus dans Le renard contre les ratons (l'un très stylisé et tout à fait « cartoonesque », l'autre semi-réaliste et plus fouillé auxquels Takahata ajoute un troisième mode, totalement réaliste celui-là), le film reprend la description sympathique des tanuki qu'en fait notamment Masaoka dans Les bonzes mélomanes – oisifs, gloutons et chapardeurs mais d'une gentillesse et d'une solidarité indécrottables – ainsi que la problématique de l'affrontement contre les humains. Enfin, le film regorge de clins d'œil à ses précurseurs. Un exemple : quand les tanuki, qui ont perdu leurs dons par paresse, doivent réapprendre à se transformer, leur premier exercice consiste à se transformer en... bouilloire !

Autres références

Histoires de fantômes

Les personnages sans visage qui terrorisent le policier dans le film sont appelés Nopperabô. Ils sont issus d'une vieille histoire de fantômes japonais bien connue. Ils sont à peu près identiques à ceux de l'histoire originale à l'exception bien sûr de l'époque du récit. Au lieu de se rendre au poste de police, l'homme terrifié de l'histoire originale se rend à un Soba (stand de nouilles japonaises), et le vendeur lui dit : « Donc, elle ressemblait à ça ? »...

Un autre thème emprunté aux vielles histoires de fantômes japonais est l’Oitekebori. Ce terme signifie aussi bien « Laisse-le dans le canal » que « Laissé derrière ». L'histoire est celle d'un homme qui attrape un poisson dans un canal. Soudain une voix venant du canal lui ordonne Oiteke (« Laisse-le ! »), et l'homme s'enfuit en courant aussi vite qu'il peut. Dans Pompoko, les tanuki ont d'abord donné des sueurs froides à un couple dans une voiture avec appel Yotteke (« Entrez ! ») et des signes clignotant Love Hotel. Dans une autre scène, quand des gamins jettent des déchets dans un buisson, les tanuki le leur renvoient, avec l'appel Motteke (« Prend-le ! »). Ensuite, pour l'homme qui s'apprête à couper un arbre, Hottoke (« Laisse-le tranquille ! »). Enfin, des tanuki observent une famille pique-niquer. Le père dit : « Ramenons nos ordures à la maison », et commence à ranger les restes du repas. Les tanuki crient alors spontanément Oiteke (« Laisse-le ! »).

Jidai-geki

Les références au registre cardinal du Jidai-geki, ce « drame historique », sont nombreuses, notamment au début du film avec la scène de bataille entre les samouraïs-tanuki. Un des conseils entre les chefs rappelle également une scène du film Ran d’Akira Kurosawa.

Scène de bataille traitée sur le ton de la comédie.

« Lorsque les tanuki débattirent pour désigner un représentant, aucun ne voulait s'engager pour un voyage dangereux,
alors ils firent tous semblant de dormir. »
Une scène rappelant celle au début du film Ran (1985).

Yôkai

Les créatures surnaturelles de l' « Opération Poltergeist » proviennent du folklore japonais. Appelées Yôkai, elles sont issues de contes populaires, du théâtre Kabuki, de l'Ukiyo-e (estampes), ou encore des mangas de Shigeru Mizuki qui les a remis au goût du jour.

Echantillon des nombreux monstres surnaturels du défilé.

La plupart de ces monstres ont chacun un nom et une histoire. Certains d'entre eux proviennent de pièces d'art très célèbres comme Fûjin (Dieu du vent) et Raijin (Dieu de l'éclair). On trouve aussi quelques hommages à l'Emaki Chôjû-giga, considéré comme le plus ancien manga de l'histoire, et au recueil de nouvelles de Kenji Miyazawa Train de nuit dans la Voie lactée.

L'Umi-bôzu, un énorme Yôkai marin naufrageur
(illustration originale de Shigeru Mizuki et référence dans Pompoko).

Le Tsurube-otoshi, une « tête désincarnée » tombant sur les humains sans méfiance
(illustration originale de Shigeru Mizuki et référence dans Pompoko).

Nasu no Yoichi

La scène du samouraï-archer est fondée sur la célèbre histoire du samurai Nasu no Yoichi dans Le Dit des Heike (au départ, Isao Takahata caressait l'idée d'adapter ce récit en anime plutôt que de réaliser un film sur les tanuki). À la fin du 12ᵉ siècle, le clan Taira (Heike) et le clan Minamoto (Genji) se battaient pour diriger le Japon. Durant la bataille de Yashima, Taira fut mis en déroute et s'enfuit de l'île sur des vaisseaux. Une des femmes de Taira attacha alors son éventail sur un mât et l'éleva, défiant les samouraïs de Minamoto de le toucher. Mais comme ils étaient déjà trop loin de la côte et que la cible bougeait constamment, les samouraïs de Minamoto hésitèrent. Alors, pour préserver l'honneur et la fierté de Minamoto, un jeune samouraï du nom de Nasu no Yoichi s'avança. Il parvint à toucher la charnière de l'éventail, le séparant du mât. Tout le monde, aussi bien de Taira que de Minamoto, acclama le maître archer.

Le vieux tanuki (999 ans) vient de Yashima et il a vu cette bataille de ses propres yeux. C'est pourquoi les autres tanuki lui demandent de recréer la scène.

Takarabune

À la fin du film, les tanuki vont au Fudaraku (le Paradis), ce qui signifie qu'ils entreprennent un voyage vers le pays des morts. Ce voyage est fondé sur les croyances du Fudaraku, un des cultes bouddhistes anciens. Le culte affirmait l'existence de l'île de Fudaraku sur la mer de l'ouest. En montant sur le vaisseau, on pouvait laisser derrière soi sa douleur et sa souffrance et accéder au Nirvana. Il est déjà arrivé qu'un croyant soit placé vivant dans un cercueil en forme de vaisseau et soit jeté à la mer.

Le vaisseau représenté dans le film est inspiré du Takarabune (vaisseau aux trésors). C'est un vaisseau sur lequel voyageaient les Sept Divinités du Bonheur et qui embarquait de nombreux trésors. Il était supposé porter chance.