Mis à jour : lundi 7 mars 2022

Mary et la fleur de la sorcière : Création du film

Origines et production

Mary et la fleur de la sorcière est une adaptation du livre de l’écrivain britannique Mary Stewart, The Little Broomstick, datant de 1971. Il est publié pour la première fois en 1975 au Japon. L’éditeur Kadokawa en a proposé une nouvelle traduction en 2017 pour accompagner la sortie du film. Le livre est en revanche inédit en France.
Le scénario du film est signée de Riko Sakaguchi (Le conte de la princesse Kaguya) et du réalisateur Hiromasa Yonebayashi.

Mary et la fleur de la sorcière signe surtout le tout premier film et la première production d’envergure du tout jeune studio Ponoc, emmené par Hiromasa Yonebayashi et le producteur Yoshiaki Nishimura. Peu de studios auraient eu les épaules assez solides pour se lancer aussi vite dans la réalisation et la promotion d’un long métrage mais l’expérience et le savoir-faire des vétérans du studio Ghibli ont, semble-t-il, fait toute la différence.

Du studio Ghibli aux studios Ponoc et Deho Gallery

Le studio Ponoc se crée en réaction au démantèlement du département de production du studio Ghibli fin 2014, consécutif à l’annonce de la retraite de Hayao Miyazaki en septembre 2013 et de la contre-performance commerciale du film Souvenirs de Marnie en salles.

Après avoir un temps expliqué qu’il était toujours salarié du studio Ghibli, Yoshiaki Nishimura, producteur sur Le conte de la princesse Kaguya et Souvenirs de Marnie, mais aussi un temps successeur désigné de Toshio Suzuki à d’éventuelle futures productions au sein du studio Ghibli, fonde son propre studio, le studio Ponoc. Les statuts seront enregistrés le 15 avril 2015.

L'horloge symbole du studio : ponoć signifie « minuit » en croate, mais annonce aussi « un nouveau jour ».

Dans un premier temps, des infos contradictoires entourent la position de Nishimura vis à vis du studio Ghibli. Selon l’attaché de presse du nouveau studio, le jeune producteur ne souhaite pas prendre son indépendance. Il reste salarié du studio Ghibli et continuera de travailler pour lui en tant que producteur selon son activité.

Dans la foulée, l’ambitieux producteur s’associe à Hideaki Anno (studio Khara) et Nobuo Kawakami (Dwango / Ronya, fille de brigand) pour créer le studio Deho Gallery, spécialisé dans le décor. Sa naissance est annoncée en juillet 2015. La toute nouvelle structure œuvrera dans les domaines de l’animation, du jeu vidéo et de la publicité. Son objectif : préserver l’art du décor traditionnel, peint à la main.
D’autres personnes vont participer à l’aventure avec eux, tous ayant travaillés pour le studio Ghibli à ce poste. La structure sera notamment conseillée par les directeurs artistiques Kazuo Oga et Yôji Takeshige.
Le nom du studio est amené par Oga. Il est basé sur le mot dehoga qui signifie quelque chose comme « dire n'importe quoi » dans le dialecte parlé de la préfecture d'Akita, au nord du Japon et du mot « galerie ».
Pour Anno, « Il fallait faire perdurer ce genre de technique de travail à la main » a t’il ainsi expliqué. « Si Nishimura-kun ne m’avait pas appelé pour ce projet, j'avais de toute manière l’intention de créer ce genre de département au studio Khara. » Pour Kawakami, il était surtout très important que les grand noms que sont Kazuo Oga et Yôji Takeshige travaillent avec eux.
C’est sans surprise que le studio se chargera des décors du premier long métrage du studio Ponoc.


Nobuo Kawakami, Yoshiaki Nishimura et Hideaki Anno, les 3 cofondateurs du studio Deho Gallery, spécialisé dans le décor peint à la main.

L’activité du jeune studio Ponoc débutera tout en douceur avec la réalisation d’une campagne publicitaire pour JR Nishi Nihon, filiale régionale du groupe ferroviaire JR (la SNCF japonaise, mais qui fonctionne correctement). Le tout jeune studio recrute Yoshiyuki Momose, un des piliers du studio Ghibli pour cette réalisation. La campagne (publicités et affichages) sera visible en juillet 2015 dans tout le Japon.

En mars 2015, Hiromasa Yonebayashi, de son côté, exprime publiquement son envie de passer à la réalisation une troisième fois et espère pouvoir à nouveau le faire chez Ghibli.
A l’époque, il souhaite s’éloigner d’un projet comme Souvenirs de Marnie. Il cite l’action bouillonnante du film Ponyo sur la falaise sur lequel il a travaillé pour l’animation.

Peu de temps ensuite, se confirme ce que beaucoup soupçonnait : Yonebayashi réalisera bien un troisième long métrage mais au sein du studio Ponoc.
La préproduction du film débute dans un bâtiment à Musashino (préfecture de Tôkyô) en décembre 2015 avec en tout et pour tout 3 tables pour commencer.

En février 2016, de retour de la 88ᵉ cérémonie des Oscars, où Souvenirs de Marnie est nommé dans la catégorie Meilleur film d’animation, et après avoir parcouru le monde pour la promotion du film, Nishimura et Yonebayashi rentrent au Japon et trouvent le studio Ghibli vide.
Immédiatement après avoir quitté Ghibli, les deux hommes fondent le studio Ponoc et forment une nouvelle équipe de production avec celle du studio Ghibli démantelée (80 % de l’équipe du film sont des anciens collaborateurs du célèbre studio).
Avec elle, le réalisateur souhaite faire perdurer le savoir-faire du studio Ghibli en accordant une importance première à l’animation traditionnelle et au charme et à la chaleur de la ligne du dessin à la main.
C’est sans doute aussi à ce moment qu'il va voir Hayao Miyazaki pour lui annoncer la nouvelle.
« Il était content » a expliqué Yonebayashi. « Miyazaki n’est pas quelqu’un qui montre ses sentiments facilement, c’était donc surprenant. »

« J’aimerais créer des films hérités de l’esprit de Ghibli » explique de son côté Nishimura. « Il existe beaucoup de studios qui font de bons films mais peu qui sont responsables et réfléchissent à l’image et aux valeurs qu’ils véhiculent à travers leurs productions. C’est pour cette raison que nous nous sommes sentis obligés de créer notre propre studio. »

Ils vont également tenter de mettre en application les 3 points que Miyazaki leur a appris : un film doit être amusant, intéressant et faire des bénéfices pour pouvoir en faire un autre.

En décembre 2016, le studio Ponoc dévoile la première bande annonce de Mary et la fleur de la sorcière. Les premières images du film semblent également vouloir faire perdurer les thématiques (un peu trop ?) associées au studio Ghibli. Peu après, une date de sortie tombe, fixée au 8 juillet 2017.

Le studio Ponoc, la relève de Ghibli ?

En janvier 2017, une visite amicale en cours de production du film de Hayao Miyazaki à ses anciens collaborateurs semble adouber le studio Ponoc comme la relève de celui qu’il a cofondé.
« Sur Arrietty, M. Miyazaki me disait souvent que je ne comprenais rien en regardant mes genga » expliquera Yonebayashi avec humour. « Mais cette fois-ci, il est juste venu discuter. »

Le maître rend visite à ses anciens collaborateurs et Toshio Suzuki et Isao Takahata lors de la présentation privée du film.

Le film finalisé et avant même que l’équipe de production et les doubleurs ne le découvre, Yonebayashi et Nishimura se rendent rapidement au studio Ghibli pour le montrer à leurs anciens mentors. Toshio Suzuki et Isao Takahata féliciteront le réalisateur et le producteur.
« Voici donc ce que vous êtres capable de faire lorsque vous échappez aux sortilèges de Ghibli » glissera en plaisantant Suzuki au producteur Nishimura. De son côté, Takahata ironisera : « C’est un film qui me plait. Mais comme il me plait, je me demande si ça ne pourrait pas être dangereux pour le succès du film... »

Hayao Miyazaki, quant à lui, refusera tout simplement de le voir.
« Tu as réellement mis beaucoup d'efforts dans le film » déclarera-t-il simplement au jeune réalisateur, sans même avoir vu son travail terminé. Pointe d’orgueil ou tout simplement trop affairé sur le développement de son tout dernier long métrage, il est difficile d’interpréter la réaction du maître de l’animation japonaise.

Yonebayashi n’a pas semblé être affecté par le refus de son mentor. Il révèlera alors qu’en cours de production, le film a du faire face à un blocage. Hayao Miyazaki en a entendu parlé et après avoir consulté l’e-konte (le storyboard) du film, il lui a écrit 2 de pages de conseils pour l’aider à surmonter cette crise.
L’attention de Miyazaki a redonné de l’énergie à Yonebayashi, ce qui explique peut-être pourquoi le jeune réalisateur n’a pas semblé vexé par le refus ultérieur du maître de voir le film finalisé.
« Faire le film a pris plus de temps que ce que je pensais à l'origine » a-t-il déclaré. « Et M. Miyazaki a eu la gentillesse d'être concerné en me mettant en garde : « Est-ce que tu vas vraiment pouvoir le finaliser ? » Alors, j'étais très content de lui dire que j’y étais finalement arrivé. »

Le générique du film comporte les noms de Hayao Miyazaki, Isao Takahata et Toshio Suzuki avec la mention « merci ».

Doublage

L’enregistrement des voix commence en mai 2017.
Côté casting, Hiromasa Yonebayashi s’entoure également de talents ayant déjà collaboré à des films du studio Ghibli, comme Hana Sugisaki (Sayaka dans Souvenirs de Marnie) et Yûki Amami (Gran Mamare dans Ponyo sur la falaise). Mais aussi du très en vue Ryûnosuke Kamiki, auréolé du succès historique du film Your Name, mais aussi déjà aux génériques des films Arrietty, le petit monde des chapardeurs, Le château ambulant et Le voyage de Chihiro.

Photos de fin de doublage pour Hana Sugisaki et Ryûnosuke Kamiki.

Musique

Pour la musique, Hiromasa Yonebayashi fait de nouveau appel à Takatsugu Muramatsu qui avait déjà composé la musique de Souvenirs de Marnie et qui avait profondément bouleversé le réalisateur lors des sessions d’enregistrement de son second long métrage.

Mais c’est surtout sur la musique du générique de fin qu'a reposé la promotion du film. C’est le titre RAIN du groupe SEKAI NO OWARI, dévoilé tardivement par l’ultime bande annonce du film, qui est passé en boucle dans les médias nippon.
Le producteur Nishimura ne voulait pas d’une chanson à la simple fonction commerciale comme c’est souvent le cas au Japon pour les films et les séries TV. Il souhaitait un morceau original et qui ait du sens avec le film.
Les premières réunions de travail avec le groupe concernent les paroles de la chanson. Avant de composer, SEKAI NO OWARI aura plusieurs échanges avec le studio Ponoc et se rendra plusieurs fois sur place pour suivre la production. Le mixage final du morceau s’effectuera en mai 2017.

Takatsugu Muramatsu joue un morceau de la B.O. de Mary et la fleur de la sorcière
et le producteur Nishimura et Hiromasa Yonebayashi entourés des membres du groupe SEKAI NO OWARI.

Sortie du film en salles

Distribution

Le film Mary et la fleur de la sorcière est diffusé dans le réseau de salles Tôhô, également distributeur cinéma historique des films (en grande partie) du studio Ghibli.
Parallèlement à la promotion japonaise, le studio Ponoc communique également en anglais autour du film, notamment sur les réseaux sociaux et en localisant les diverses bandes annonces du film.
Dès septembre 2017, le film est distribué dans la plupart des pays d’Asie, puis aux Etats-Unis/Canada et enfin en Europe. Il sort en France le 21 février 2018.

Marketing

Pour le premier film de son studio, le producteur Yoshiaki Nishimura ne semble rien réinventer dans ce domaine et applique les recettes efficacement mise en place depuis des années par le studio Ghibli et son mentor, Toshio Suzuki.

Ainsi, niveau édition et quasi-simultanément à la sortie du film, le spectateur peut notamment se procurer Storyboards et Art of couvrant la production du film en détail.

Ghibli s’était affilié en son temps au groupe Benelic pour créer la chaîne de magasins Donguri, dédiée intégralement aux produits dérivés du studio. Le film Mary et la fleur de la sorcière a bénéficié de son implantation sur tout le territoire japonais pour écouler des goodies à l’image du film. Ainsi produits Ghibli et Ponoc cohabitent ensemble.

Contrôle du prototype d’une figurine par Yonebayashi, étonné du résultat. Le marketing a avancé parallèlement à la production du film.

Dès avril 2017, l’entreprise agroalimentaire Morinaga a été la première à sponsoriser le nouveau film de Hiromasa Yonebayashi, alors en cours de production, à travers une campagne publicitaire TV puis à apposer des visuels du film sur divers produits alimentaires.

Comme le proposait souvent aussi le studio Ghibli, une exposition de documents de productions du film, intitulée The Art of Mary and the Witch’s Flower, fut visible du 26 au 31 juillet dans le magasin Odakyû de Shinjuku (Tôkyô), puis du 5 au 22 août 2017 dans le gratte-ciel Abeno Harukas à Ôsaka.